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A Djaâfra, le rêve d'un hôpital
Daïra rurale et enclavée de Bordj Bou-Arréridj
Publié dans Liberté le 11 - 11 - 2021

La daïra de Djaâfra, en dépit de nombreuses difficultés, est en train de négocier son développement pour prétendre à des lendemains meilleurs.
Le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, a annoncé dernièrement que le projet de réalisation d'un hôpital de 60 lits à El-Hamadia, a 15 km au sud du chef lieu de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj qui a accusé du retard en raison des conditions économiques du pays, sera relancé lors des séances d'arbitrage prévues dans le cadre du débat autour de la loi de finances 2022.
Le ministre de la Santé a expliqué le retard accusé dans la réalisation de ce projet par la conjoncture économique prévalant dans le pays. Pour rappel, le projet, a été inscrit au titre du programme complémentaire 2014, et l'étude a été finalisée en 2016.
Cet hôpital va soulager la pression sur les structures du chef-lieu et apporter les soins nécessaires à la population du sud de la wilaya. Avec cet établissement hospitalier, la couverture sanitaire dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj sera presque acceptable :1,11 lit pour 1000 habitants ; une polyclinique pour 16 736 habitants ; une salle de soin pour 4911 habitants ; un médecin généraliste pour 1744 habitants ; un médecin spécialiste pour 4420 habitants ; un dentiste pour 3500 habitants, un paramédical pour 656 habitants et un pharmacien pour 3421 habitants. Mais depuis l'indépendance, la wilaya n'a cessé de réclamer un hôpital.
Les habitants souhaitent une proposition concrète de la part du ministre de tutelle lors du prochain budget en vue d'un hôpital dans la région nord de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, plus exactement dans la daïra de Djaâfra.
Située au nord du chef-lieu de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, composée des communes de Colla, Ilmayen, Teffreg et Djaâfra, appelée communément Petite-Kabylie, cette daïra se trouve sur un territoire accidenté formé de vallées principales séparées par une chaîne de montagnes dont le point culminant est à 1200 m. La région est coupée de ravins profonds, présente presque partout des difficultés de parcours. Elle est difficile d'accès et le réseau routier est très limité.
Elle est traversée par deux chemins (CW42 et CW43), l'un qui relie le chef lieu de la daïra à Bordj Bou-Arréridj via la daïra de Medjana et l'autre par la daïra de Zemoura.
Le village le plus proche du chef-lieu de la wilaya est à une quarantaine de kilomètres et le plus lointain à 70 km. Mais il faut plus d'une heure pour parcourir la quarantaine de kilomètres à cause de l'état des routes escarpées, et beaucoup plus pour venir de Thakroumbelt, dans la commune d'Ilmayen.
Le sol est de qualité inférieure, sauf en contrebas où se sont déposées les alluvions ; aussi les terres propres à la culture des céréales sont inexistantes.
Par contre l'olivier et le figuier, principales ressources des populations, se trouvent en massifs importants sur les pentes : mais ces dernières années, à cause de la sécheresse et des feux de forêt, cette culture commence à disparaître et ne rapporte plus beaucoup. Malgré la rudesse de la vie dans la région, les habitants ne quittent pas leurs villages et maintiennent une animation en résistant et en s'adaptant aux aléas de la nature et de l'enclavement.
Région martyre
Durant la Guerre de Libération nationale, la daïra de Djaâfra, à elle seule, a donné un grand nombre de martyrs. Cette daïra, qui compte plus de 50 000 habitants, n'est pas encore dotée d'un hôpital, malgré les démarches continues des citoyens auprès des pouvoirs publics.
"Ce n'est qu'un rêve de la population, sur le terrain, il n'a jamais été proposé ou inscrit par les responsables ou les élus de la région", dit un habitant du village d'Awrir n'Djaâfra.
En effet, les habitants de cette localité ne cessent de subir les conséquences et les désagréments de l'absence d'un hôpital. Les doléances se résument ainsi : des enfants qui ne peuvent être admis à l'hôpital faute de place, des femmes qui accouchent en route vers un établissement de santé se trouvant plus loin... Des villageois expliquent que les centres de santé sont limités et espèrent avoir une structure qui puisse fonctionner en tant qu'hôpital à part entière.
"Les services qu'assurent les dispensaires que compte cette région de la wilaya sont insuffisants, faute de moyens et de personnel. Dans certains villages, ils sont inexistants, même pas de salle de soins."
"Il y a environ une semaine, un enfant qui avait glissé devant la porte de la maison à Mezrarègue avait été évacué vers l'hôpital de Medjana pour y être admis. Une fois sur place, on a informé ses parents qu'il n'y avait pas de place disponible et qu'il fallait revenir avec l'enfant le lendemain. Avant de retourner chez eux et se sont rendus chez un médecin privé. Imaginez-vous ce qui serait advenu de cet enfant si la famille n'avait pas les moyens", se demande Mokrane, habitant d'Adhara n'Sidi Idir.
La distance et le temps perdu sur la route sont aussi au cœur de la requête des habitants de Djaâfra. "J'ai accouché de ma fille dans la voiture qui m'emmenait vers l'hôpital d'Akbou. Ça, c'était il y a plus de dix ans, mais que de nos jours des femmes continuent de subir le même sort, alors qu'il y a possibilité d'avoir un hôpital plus près... C'est inacceptable", s'insurge pour sa part Nna Toutou, une des femmes-mémoires de la commune d'Ilmayen. "En plus de l'hôpital pour toute la daïra de Djaâfra, on a besoin d'une maternité dans notre commune", ajoute-t-elle.
Les habitants de la région se retrouvent obligés de se déplacer à Medjana ou au chef-lieu de la wilaya pour des soins. D'autres, comme ceux de la commune d'Ilmayen, sont obligés de se rendre à Akbou, dans la wilaya de Béjaïa. "La plupart de nos enfants sont nés à Akbou", dit Hamza, un habitant de la commune, qui ajoute que même l'ambulance fait défaut : "C'est par nos propres moyens qu'on se déplace ou en s'entraidant."
Hamza, originaire du village d'Achabou, fait ressortir également que les services d'urgence font défaut dans cette vaste région, alors qu'un hôpital pourrait les fournir : "S'il y a un accident, les gens doivent attendre une ambulance, il n'y en a pas à Achabou. De même pour un cas d'urgence cardiaque où chaque seconde compte. Il faut encore aller à Akbou, Medjana ou Bordj Bou-Arréridj."
Une population née en majorité ailleurs
L'implantation d'un hôpital dans la daïra de Djaâfra a été le sujet de nombreuses correspondances destinées au ministre de la Santé et de la Population depuis plusieurs années, mais aucune suite n'a été donnée. Les habitants estiment qu'il est temps de simplifier la vie des habitants de cette région qui souffre de son éloignement des grands centres de santé. Ils veulent un hôpital avec des spécialistes et des services de consultation pédiatrique et d'imagerie médicale.
"Avec le retour des habitants à leurs communes, le repeuplement de ces villages et de la croissance continue de la population, un hôpital de 60 lits devient une nécessité majeure pour les citoyens, qui ont besoin d'un suivi adéquat et d'une bonne prise en charge sanitaire", insistent les citoyens qui se voient, comme toujours, ignorés.Les habitants de la région demandent au ministre de prendre l'initiative de faire un hôpital qui fonctionnera H24.
"Qu'il vienne nous rencontrer et surtout fasse une proposition ferme dans le prochain budget", insistent-ils.Aujourd'hui, la daïra de Djaâfra, en dépit de nombreuses difficultés, est en train de négocier son développement pour prétendre à des lendemains meilleurs.
À l'écoute des préoccupations de ces populations, le wali s'est positionné en termes de priorité, décidé à satisfaire leur doléance. "La demande des habitants de la région a été entendue et va être prise en charge. En attendant la concrétisation, du personnel et du matériel supplémentaires sont affectés dans la région pour assurer une bonne prise en charge médicale", a indiqué le wali de Bordj Bou-Arréridj, Mohamed Benmalek, en réponse aux récriminations des habitants.
M. Benmalek a rappelé que le premier projet lié à la réalisation d'un hôpital de 60 lits à Bordj Zemmoura, dont l'étude a été élaborée en 2011 et les travaux de réalisation et d'équipement en 2014, est actuellement en cours de réalisation après la levée de son gel.
Dernièrement, le ministre de la Santé a annoncé l'équipement des établissements hospitaliers de la wilaya de 150 lits supplémentaires, dotés d'équipes techniques chargés de la prise en charge des blessés des accidents de la circulation.
Pour rappel, la wilaya de Bordj Bou-Arréridj dispose de six établissements hospitaliers publics, dont un spécialisé mère-enfant situés au chef-lieu de wilaya, 45 polycliniques et 157 salle­­­s de soins.

Par : Chabane BOUARISSA


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