Au cours d'une réunion avec les sénateurs républicains, le vice-président des Etats-Unis s'est permis de demander que la CIA soit exemptée de toute législation interdisant la torture. Empêtré dans l'affaire de la divulgation de l'identité d'un agent de la CIA en relation avec la guerre en Irak, l'adjoint de George Bush vient de défrayer à nouveau la chronique. Profitant de la réunion hebdomadaire des sénateurs républicains, Dick Cheney a estimé que l'agence de renseignement, CIA, avait besoin d'une exemption de toute législation interdisant les traitements “cruels, inhumains ou dégradants” de détenus, au cas où le président le jugerait nécessaire pour empêcher une attaque terroriste. Habituellement réservé lors de ce rendez-vous hebdomadaire, qu'il ne rate jamais, le bras droit de George Bush ne s'est pas empêché, cette fois, d'insister sur la nécessité de voir les sénateurs républicains contrer le projet de loi visant à interdire totalement le recours à la torture sur les détenus. L'intervention du vice-président américain coïncide avec la bataille que se livrent au Congrès démocrates et républicains au sujet du projet de loi interdisant la torture des terroristes présumés. Assurant que la CIA n'a pas recours actuellement à la torture, il a cependant besoin de dispositions particulières dans le cadre de la guerre que livrent les Etats-Unis au terrorisme. Le problème pour le numéro deux de la Maison-Blanche est que l'offensive pour l'abolition de la torture est menée par un sénateur républicain, en l'occurrence John McCain. Selon ce dernier, un ancien prisonnier de guerre au Viêt-nam, l'interdiction explicite de la torture, qui va devoir faire l'objet de négociations entre les deux chambres du Congrès avant d'avoir force de loi, est “massivement” soutenue non seulement au Sénat, mais aussi à la Chambre des représentants et parmi l'opinion publique américaine. Il est également soutenu par un autre sénateur républicain, Lindsey Graham. Rappelant les accusations de mauvais traitements infligés par des agents de la CIA, M. Graham a exprimé son indignation. “Le caractère, c'est de faire le bien quand personne ne regarde”, a-t-il dit. Il soulignera par la suite que “cette guerre contre le terrorisme, c'est une guerre pour la tolérance, pour les valeurs, pour le respect des droits de l'homme, et c'est une guerre de caractère”. La réaction de Dick Cheney fait partie du plan d'action de la Maison-Blanche pour bloquer ce projet de loi. L'Administration Bush menace même d'opposer son veto au budget de la Défense si l'amendement visant l'abolition de la torture était maintenu. Elle avait aussi fait savoir le mois dernier qu'elle entendait “travailler avec le Congrès sur cette question”, alors que des navettes parlementaires étaient en cours. De toute manière, Dick Cheney n'en est pas à sa première tentative dans l'espoir d'étouffer l'initiative de John McCain. L'été dernier, il s'était rendu personnellement au Sénat pour tenter de faire échouer l'amendement McCain, et depuis, il tente visiblement d'atténuer sa portée en faisant préciser que les agents de la CIA ne seraient pas concernés. K. ABDELKAMEL