Dans l'exposé des motifs, les rédacteurs du texte expliquent que les modifications proposées répondent à l'impératif de se conformer aux recommandations de la 108e Conférence internationale du travail (CIT) qui s'est tenue en juin 2019 à Genève. Alors qu'ils espéraient une profonde révision de la loi 90-14 portant sur les modalités d'exercice du droit syndical, les syndicats autonomes sont extrêmement déçus du contenu de l'avant-projet de loi qui se trouve actuellement entre les mains des commissions spécialisées de l'APN. Ce même projet de loi, dont le président Tebboune avait assuré, en décembre dernier, qu'il allait être "adapté aux résolutions du Bureau international du travail". Ce qui est loin d'être l'avis de certains syndicats autonomes qui n'y voient pas un grand changement et encore moins la "révolution" qui devrait permettre à l'Algérie de se mettre au diapason des changements et évolutions du travail dans le monde. Composé de neuf articles, l'avant-projet modifiant loi 90-14 – dont nous disposons d'une copie — s'est essentiellement concentré sur le droit des syndicats de n'importe quel secteur d'activité de se constituer en fédérations, unions et confédérations conformément à la Convention 87 de 1948 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, le droit des travailleurs étrangers à être membres des structures dirigeantes sous certaines conditions, la protection des délégués syndicaux dans l'exercice de leurs fonctions et les mesures coercitives prévues contre les employeurs qui refusent de réintégrer des syndicalistes arbitrairement suspendus ou licenciés pour leurs activités syndicales. Dans l'exposé des motifs, les rédacteurs du texte expliquent que les modifications proposées répondent à l'impératif de se conformer aux recommandations de la 108e Conférence internationale du travail (CIT) qui s'est tenue en juin 2019 à Genève. La CIT reprochait notamment le contenu de l'article 6 de la loi 90-14 qui limitait le droit de constitution d'une organisation syndicale aux seules personnes de nationalité algérienne, d'origine ou acquise depuis au moins dix ans, contrairement à l'article 2 de la Convention 87. Elle demandait également au gouvernement algérien de mettre l'article 4 en conformité avec l'article 5 de la Convention 87 afin de permettre la création de fédérations et confédérations par les organisations de travailleurs, quel que soit le secteur auquel ils appartiennent. Pour Bachir Hakem, chargé de l'organique de l'Organisation syndicale des retraités algériens (Osra, non encore enregistrée), cette ébauche de révision est loin de répondre aux attentes des travailleurs : "Le texte confirme juste la légalité de la création des fédérations, unions et confédérations et rappelle les mesures de coercition contre les employeurs qui refusent d'appliquer les décisions de justice portant réintégration de syndicalistes injustement licenciés. Mais il ignore l'article 53 de la Constitution algérienne qui consacre la création sur simple déclaration." Le responsable de l'Osra regrette qu'aucun amendement n'inclut la catégorie des retraités, bien que reconnue par l'Organisation internationale du travail. Egalement déçu, le Dr Lyès Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), déplore un autre virage raté sur le chemin de la modernité : "La plupart des pays africains ont dépassé la question de la liberté de l'exercice syndical et se penchent sur des dossiers plus sérieux et en phase avec les évolutions dans le monde du travail. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de réviser en profondeur un texte de loi obsolète et je constate que nous traînons toujours la patte." Il estime, lui aussi, que l'avant-projet de loi, qui n'a pas pris en compte les propositions que les syndicats ont faites par presse interposée, n'apporte pas les changements attendus et consacre simplement les acquis des années 1990. Des acquis qui n'ont malheureusement pas été suivis d'application sur le terrain, comme le rappelle Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat algérien des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef) qui appelle de ses vœux une refonte complète de la loi 90-14 pour que l'Algérie se dote enfin d'une nouvelle législation qui réponde aux attentes des travailleurs pour les 25 ou 30 prochaines années. Le responsable syndical est d'autant plus déçu qu'il rappelle que le mérite de cette initiative revient aux syndicats autonomes qui, pendant de longues années, ont fait pression sur les autorités algériennes. "Depuis 2019, nous avons fait plusieurs propositions pour la révision de la loi mais elles n'ont pas été prises en considération. Il y a, par exemple, l'article 35 qui parle de représentativité des syndicats (20%) dont nous avons demandé la révision à la baisse (entre 3 et 5%)", relève encore Boualem Amoura. Rappelons que l'Algérie compterait plus d'une centaine d'organisations syndicales officiellement enregistrées au ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale. "Nous n'avons d'autre choix que de réviser en profondeur une loi vieille de 30 ans et de la mettre en conformité avec la Convention 87 afin qu'elle soit au diapason des changements qui surviennent tous les jours dans le monde", conclut le secrétaire général du Satef.