L'ancien dictateur Saddam Hussein a écouté impassible la déposition d'un témoin qui a décrit la répression contre les habitants de Doujaïl après 1982, à la reprise de son procès hier. La sixième audience du procès de Saddam Hussein s'est ouverte à 11h29. Un témoin à charge, Ali Hassan Mohammed al-Haïdari, 37 ans, a raconté dans les détails la répression dont ont été victimes les habitants de Doujaïl. “Toute ma famille a été emmenée par les hommes du Moukhabarat (services secrets), après avoir perquisitionné notre maison, où ils ont trouvé un fusil de chasse”, a raconté M. Haïdari, qui avait 14 ans au moment des faits. Il a affirmé que 7 de ses frères avaient été “exécutés” et qu'il n'a apprit leur mort qu'après la chute de Saddam Hussein. “Nous n'avons jamais vu les corps et nous ne savons même pas s'ils ont des tombes”, a-t-il ajouté. Il a décrit la situation au siège du parti Baas à Doujaïl, où les suspects étaient rassemblés, comme une scène de “fin du monde” et affirmé avoir vu de ses propres yeux plusieurs cadavres dans un couloir. À Bagdad, les suspects ont été entassés les uns sur les autres, selon lui, dans un local des services de renseignement. “Le plus âgé avait 90 ans et le plus jeune 9 ou 10 ans”, a dit le témoin. “Je ne peux pas décrire les tortures que nous avions subies. On emmenait l'un de nous debout et il revenait dans un drap, dégoulinant de sang”. Selon lui, Barzan Tikriti, demi-frère de Saddam Hussein qui dirigeait alors les services de renseignement, était présent sur les lieux. Ce dernier a provoqué un incident de séance en invectivant un témoin à charge et le président du tribunal. “Vous ne racontez que des mensonges”, s'est écrié Barzan al-Tikriti. Des membres de la sécurité du tribunal sont alors entrés dans le box des accusés pour calmer M. Tikriti, mais le président du Haut tribunal pénal irakien, Rizkar Amine, leur a demandé d'en ressortir. Barzan al-Tikriti s'en est alors pris au président. “Si vous étiez un vrai Irakien, vous seriez avec nous sur le banc des accusés”, a-t-il dit. La défense de l'ancien président irakien Saddam Hussein a tenté de déstabiliser un témoin à charge en lui demandant de comparer les tortures qu'il avait subies avec celles qui se produisent aujourd'hui dans les prisons irakiennes. “Est-ce que les tortures que vous avez subies sont comparables à celles qui se passent aujourd'hui dans le centre de détention de Jadriyah ?”, a demandé l'ancien ministre de la Justice du Qatar, Nagib al-Nouaïmi, membre du comité de défense de Saddam Hussein. “Cette question n'a aucun rapport avec notre affaire”, a interrompu le président du Haut tribunal pénal irakien, Rizkar Amine. D'abord attentif à la déposition, Saddam Hussein s'est vite plongé dans ses notes. Vêtu d'une chemise bleue et d'un costume gris foncé, le président déchu arborait sa barbe poivre et sel soigneusement taillée et des cheveux impeccablement peignés. S'étant vu refuser une interruption de séance pour prier, il s'est tourné en direction de La Mecque et a prié, dans son fauteuil, pendant près de dix minutes. Des centaines de ses fidèles ont défilé dans son fief de Tikrit, à 180 km au nord de Bagdad, habité majoritairement par des Arabes sunnites. La veille, une centaine de chiites avaient manifesté à Amara, ville chiite à 365 km au sud de Bagdad, pour demander d'accélérer le procès et de prononcer la peine de mort pour le président déchu. L'un de ses avocats, l'ancien ministre de la Justice du Qatar, Nagib al-Nouaïmi, qui affirme avoir été menacé de mort en arrivant à l'aéroport de Bagdad mardi, a soulevé à nouveau la question de la protection des membres de la défense à l'ouverture de l'audience. “Du point de vue de la sécurité, nous ne pouvons pas continuer à assister nos clients sans garanties”, a expliqué l'avocat. R. I./Agences