Soixante-sept ans après sa publication, La femme de Gilles, roman de Madeleine Bourdouxhe, revient pour faire l'actualité à travers une belle adaptation au grand écran signée Frédéric Fonteyne. Le film, présenté à la faveur du Premier festival du cinéma européen à Alger, dépeint en filigrane le drame psychologique d'une épouse tourmentée par la suspicion et l'incertitude. Elisa est une jeune épouse amoureuse qui n'a de soucis que le bonheur de sa petite famille. Son mari Gilles travaille dans les hauts fourneaux. Avec leurs enfants, ils mènent un train de vie normal. La grossesse d'Elisa fait que sa sœur Victorine vient souvent à la maison pour jouer avec les enfants et donner un coup de main pour les tâches ménagères. Seulement, une drôle d'idée vient perturber le cours des jours paisibles. Une relation entre Gilles et Victorine. Impossible. Ça ne peut être qu'une mauvaise idée qui traverse l'esprit de la jeune épouse. Epuisée par le poids de la grossesse, Elisa doute, s'imagine des choses. Impossible, Elisa dissimule ses doutes et préfère taire sa douleur. Elle est rongée par le doute et la suspicion jusqu'au jour où la vérité s'abat comme la foudre. Il existe réellement quelque chose entre Gilles et Victorine. Comme une malédiction, la certitude est un coup de couteau qui s'enfonce dans le cœur de l'épouse. Malgré tout, Elisa préfère se taire. Soumise dans l'amour, elle est érodée par des sentiments contradictoires. Elle vit un déchirement intérieur jusqu'au jour où elle décide de mettre fin à sa souffrance. La femme de Gilles tient beaucoup du film muet et de l'intrigue policière. Très peu de dialogues, les sentiments se lisent sur les visages des personnages et les situations se dévoilent aux spectateurs comme elles se dévoilent au personnage principal. Le rôle d'Elisa, merveilleusement campé par Emmanuelle Devos, au travers duquel tout se passe et tout se dévoile. Une sorte de séance de psychanalyse où le personnage parle de sa douleur et de son mal intérieur. Les mots viennent juste pour dire le nécessaire, car tout se joue sur l'expression du visage. Très forte d'ailleurs. Aussi brillants qu'Emanuelle Devos, on retrouve Clovis Cornillac, dans le rôle de Gilles, et Laura Samet qui tient le rôle de Victorine, la sœur, deux personnages qui vont contribuer à donner à l'intrigue toute sa complexité. Même si les deux rôles sont moins complexes. Le film qui commence comme un récit dévient au fil des situations un troublant drame psychologique. Si La femme de Gilles est un parfait portrait de femme anxieuse, il décrit la situation des femmes dans les années 1930, où cette dernière n'existait qu'à travers son mari. Est-il vrai que l'adaptation cinématographique d'une œuvre littéraire peut ôter à cette dernière sa force de description ? Seule l'auteure, Madeleine Bourdouxhe, aurait pu répondre à la question. W. L.