Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité sont tombés d'accord pour saisir le Conseil de sécurité du dossier nucléaire iranien, mais par souci de donner des chances à la proposition russe, toute action du conseil a été repoussée au moins jusqu'au mois de mars. En fait, Washington et la troïka européenne, Londres, Paris, Berlin, ne désespèrent toujours pas de ramener à la raison les Iraniens. Alors, eux aussi soufflent le chaud et le froid, d'autant qu'ils sont persuadés avoir affaire à un pays dont les capacités de réaction sont importantes et variées. Des frappes “chirurgicales” contre les complexes nucléaires iraniens du type de celles déclenchées par Israël contre le réacteur nucléaire de Saddam seraient, aux yeux des experts, très peu productives. L'Iran n'a pas qu'un seul site nucléaire et ils sont dissimulés dans des zones à forte densité d'habitants. Les autorités iraniennes ont, par ailleurs, montré qu'ils organiseraient des boucliers humains autour des installations, à la moindre alerte. En outre, une attaque en règle contre l'Iran ne sera jamais une petite promenade de santé pour ses promoteurs. Les Etats-Unis, qui sont loin de sortir du bourbier irakien, appréhendent avec beaucoup d'incertitudes l'envahissement de l'Iran, qui n'est ni l'Irak ni l'Afghanistan. En plus de leurs capacités militaires, les autorités iraniennes savent qu'elles peuvent également compter sur leurs populations, dès lors qu'il s'agira d'une agression caractérisée. En outre, un bombardement en Iran aurait des répercussions en Irak, où la majorité chiite est au pouvoir. Téhéran a un autre atout. C'est le troisième producteur de pétrole dans le monde. Ses responsables ont annoncé fermer leur robinet en cas d'embargo. Les boursiers de l'or noir prévoient que le prix du baril de pétrole dépasserait, illico presto, la barre des 100 dollars. Téhéran sait ainsi que l'Occident lui livre une guerre des nerfs. Les Occidentaux perçoivent eux aussi le problème sous cet angle. Dans le fond, ils multiplient leurs pressions pour arracher des concessions. C'est que même l'AIEA, à qui est dévolue la tâche de déposer plainte contre l'Iran devant le Conseil de sécurité, n'est pas persuadée des accusations portées par Washington, Londres, Paris et Berlin. Aux yeux de l'organisation dirigée par le Nobel al Baradaï, ce ne sont là que des présomptions. La preuve est loin d'être faite quant à l'ambition des Iraniens de se doter de l'arme atomique. Téhéran déclare sans arrêt avoir signer le TNP, contrairement à Israël et au Pakistan, qui lui fait obligation de se soumettre aux contrôles de l'AIEA. La menace accompagnée d'un répit des ministres des Affaires étrangères des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et de l'Allemagne ont été aussitôt qualifiés de nulle et non avenue par Téhéran, selon qui il n'y a aucune base juridique pour transférer le dossier nucléaire iranien au Conseil de sécurité de l'ONU. Téhéran compte sur les Russes et les Chinois, peu favorables à de graves sanctions. Moscou estime pouvoir faire partager Téhéran avec sa proposition, qui consiste à fabriquer l'uranium enrichi nécessaire à ses centrales, en Russie. Téhéran n'a pas rejeté l'idée mais temporise encore pour, dit-on, contraindre les Américains à négocier directement. D. Bouatta