Le Black Movie, festival de films des autres mondes qui s'est tenu à Genève, du 10 au 19 février, affiche de plus en plus sa volonté de s'ouvrir aux cinémas des autres mondes sans pour autant renier le cinéma africain avec qui il a fait ses premières armes. Pour sa seizième édition, il a proposé un gros plan sur le cinéma du Singapour et célébré le cinéma latino tout en restant profondément ancré dans le cinéma africain. À côté de l'hommage rendu au réalisateur Seijun Suzuki, l'une des références importantes de Tarantino, la section Ecrans noirs s'est affirmée comme l'un des plus pertinentes de la cuvée 2006. Cette année, l'Afrique a été montrée à travers l'une de ces cinématographies les plus dynamiques et les plus énergiques, à savoir celle de l'Afrique du Sud. Les programmateurs ont surtout voulu montrer les nouvelles tendances cinématographiques post-apartheid. Après les films tournant autour de la thématique du pardon et de la réconciliation, une nouvelle génération dessine un cinéma plus revendicatif des aspirations personnelles avec cette tendance à chercher une filiation, le tout sur un fond de décors où se lisent les paradoxes et les problèmes du pays comme le sida, le racisme, les traumatismes et la pauvreté. Pour illustrer cette tendance, sur les 50 films visionnés, le festival a retenu une dizaine qui sont traversés par des thèmes communs, entre autres, la perte de quelque chose durant les années de l'apartheid et la forte empreinte autobiographique que portent les histoires racontées. Pour ficeler ce programme, Maria Watzlawick, responsable de la section, nous a révélé que le critère principal l'ayant guidé dans ses choix fut la cohérence thématique et esthétique. Ainsi, dans Born In Struggle de Rehad Dessaion, on lit l'absence du père et les conséquences qui en découlent, avec Umgidi (la cérémonie) de Sipho Singiswa, on plonge dans une quête identitaire dans laquelle la tradition et la modernité s'affrontent, et avec Shouting Silent de Xolisma Sthole on revient, et ce, d'une manière bouleversante, sur les ravages du sida en interrogeant les relations entre mère et filles. Pour compléter ce tableau africain, le festival a aligné Arlit, deuxième Paris d'Idrissou Mora Kpai qui filme une ville en plein déclin. Après un âge d'or, cette ville négérienne, autrefois prospère, est devenue un lieu où habitent des âmes qui exhibent leurs souvenirs lointains devant la caméra, et surtout un espace de transit d'émigrants vers l'Europe. T. H.