En cas de guerre contre l'Irak, quelles pourraient être les retombées sur l'Algérie ? Un aperçu de ce qui nous attend dans les prochaines semaines. Comment évacuer les ressortissants Agériens ? Plusd'une centaine d'Algériens vivent actuellement en Irak. Pour la plupart, des étudiants installés à Bagdad, Moussol et Babylone. Comment les protéger si les troupes américaines envahissent le pays ? Quelles sont les dispositions prises par les autorités algériennes pour les évacuer ? Au niveau du ministère des Affaires étrangères, on exclut pour l'heure l'existence d'un plan d'urgence. On évoque une gestion ordinaire du dossier. “L'ambassade d'Algérie à Bagdad travaille en étroite collaboration avec le ministère à Alger. La protection des ressortissants algériens en Irak relève des prérogatives de l'ambassade. Il n'y a pas de dispositions particulières à prendre pour l'heure. Nous aviserons au moment voulu”, affirme une source au ministère des Affaires étrangères. A Bagdad, une certaine inquiétude gagne les étudiants algériens. “Bagdad ne vit pas un état de guerre, mais nous craignons sérieusement pour notre sécurité en cas d'attaque”, déclare un étudiant. Contactées à Bagdad, des sources affirment que des mesures ont d'ores et déjà été prises par les Algériens. Dans la plus grande discrétion. Alger ne souhaite pas froisser les Irakiens en dévoilant un plan d'évacuation. S'il est plutôt aisé de déclencher rapidement un plan d'exfiltration via la Jordanie et la Syrie pour la majorité des ressortissants, il subsiste pour autant un épineux problème : le cas des étudiants n'ayant pas encore obtenu leurs diplômes. Selon la réglementation en vigueur en Irak, ils ne peuvent quitter définitivement le pays qu'une fois le diplôme acquis. En cas de guerre, quel sera le service administratif en mesure de fournir le précieux document afin de franchir les frontières irakiennes via Amman ou Damas ? En période de paix, il faudra patienter plus d'un mois avant de se faire délivrer le papier. Quel sera le sort de ceux qui auraient à quitter le pays avant d'avoir achevé leurs études ? Inévitablement, ils perdraient le bénéfice des années passées en Irak. Quid des ressortissantes algériennes mariées à des Irakiens ? Officiellement, les autorités algériennes ne sont pas en mesure de leur demander de quitter le pays. En 1991, l'Algérie avait demandé à ses ressortissants de quitter l'Irak. Chadli avait donné instruction aux diplomates de rester sur place jusqu'à la dernière heure. Pour l'anecdote, le dernier Algérien à avoir quitté l'Irak en 1991 est le régisseur de l'ambassade. Comment sauvegarder les intérêts économiques algériens ? Depuis plus de cinq ans, les entreprises publiques et privées algériennes ont réussi à pénétrer le marché irakien. SNVI a vendu des camions, PMA exporte des tracteurs et des moissonneuses-batteuses, Anabib fournit les Irakiens en réseaux de canalisation et Sonatrach détient un bureau de représentation à Bagdad. Des boîtes privées ont réussi à décrocher des contrats avec le gouvernement irakien. Une entreprise a réussi à passer un contrat de 12 millions de dollars alors que d'autres tirent de substantiels revenus en fournissant les Irakiens en divers produits figurant dans la nomenclature agréée par l'ONU. Le montant des exportations algériennes en direction de l'Irak avoisinerait les 50 millions de dollars, un chiffre dérisoire par rapport aux Tunisiens qui exportent pour 300 millions de dollars alors que les Egyptiens plafonnent à un milliard. Quelles seraient alors les retombées d'une guerre sur les intérêts économiques algériens ? L'impact est faible, mais il existe, souligne un expert international. Le marché irakien constitue néanmoins une bouée de sauvetage pour certaines entreprises, à l'exemple de SNVI. Plombée par un endettement jugé excessif, elle a réussi à signer d'importants contrats de ventes qui ont pu améliorer la trésorerie de l'entreprise. Une guerre en Irak risque de faire couler SNVI. Autre sujet d'inquiétude : des contrats en cours risquent de tomber à l'eau, affirme un homme d'affaires. Le programme pétrole contre nourriture impose à Bagdad de s'approvisionner tous les 6 mois. Les derniers contrats en date ont été signés en janvier 2003. Les prochains le seront au mois de juin. En cas de guerre, qu'adviendra-t-il de ces marchés ? Si les Américains décident, ainsi que l'affirme Colin Powell, d'installer à Bagdad une administration militaire américaine, quelle garantie à fournir aux entreprises algériennes de pouvoir être encore présentes sur le marché irakien ? S'il est peu probable que les Algériens puissent accéder à ce marché convoité par les alliés des Etats-Unis, il n'est pas davantage acquis de sauvegarder ce qui a déjà été arraché. La visite de Jacques Chirac serait-elle reportée ? La visite que devrait effectuer le président français en Algérie du 2 au 4 mars prochain risque d'être reportée à une date ultérieure. L'éventualité aurait été évoquée entre les deux capitales. Même si le Conseil de sécurité décide de prolonger la présence des inspecteurs de l'ONU sur le sol irakien, un éventuel voyage de Chirac en Algérie relève de l'hypothèque. En l'état actuel des choses, on voit mal Chirac prendre des bains de foule à Alger ou Oran. La très forte mobilisation autour de la France sur la question irakienne nécessite la présence de Chirac à Paris. Chirac pourrait-il se risquer à parader avec Bouteflika alors que la position française, jugée très favorable à Saddam, est vertement raillée par la presse anglo-saxonne ? Sans nul doute, les médias français ne lui pardonneraient pas un tel déplacement, probablement assimilé à une désinvolture, au moment où la France redécouvre des accents gaulliens en passant pour le principal opposant à l'hégémonisme américain. Paradoxalement, un voyage de Chirac en Algérie pourrait faire un mécontent : Bouteflika. Le souvenir d'un président français fortement acclamé à Bab El-Oued est encore dans les esprits. Un bain de foule de Chirac passerait inévitablement pour un triomphe pour lui et un camouflet pour Bouteflika. Très sensible au drame irakien, les Algériens paraissent nourrir plus de sympathie pour le président français qui ose s'opposer ouvertement aux Américains qu'à leur président qui, non seulement interdit les marches de soutien à l'Irak, mais s'aligne discrètement sur la position de Washington ou, du moins, ne soutient pas franchement l'Irak. Voilà donc un voyage qui embarrasse tout le monde. Qu'il ait lieu ou pas. F. A.