À la veille de l'élection de la Tunisie à la Commission des droits de l'Homme, la police du gouvernement tunisien encerclait le local de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LDTH). Il y a quelque chose de symbolique et d'ironique dans cette coïncidence. Ce qu'on appelle la communauté internationale semble parfois se moquer de la propre finalité de son organisation. Bien sûr, la Commission des droits de l'Homme des Nations unies n'a pas d'existence effective. Si sa présidence a pu, un jour, échoir à une déléguée libyenne, c'est justement parce qu'il n'y a aucun risque à confier une coquille vide à un régime aussi extravagant. Mais l'instance a tout de même un rôle parabolique : elle exprime le souci partagé de l'humanité pour un meilleur statut de la personne. Mais voilà qu'en 2006, Fidel Castro qui, avec Kim Jong-Il, représente les derniers régimes staliniens du monde, est, lui aussi, élu dans ce forum. Autre coïncidence, cette promotion intervient au lendemain de l'incroyable révélation : dans un pays où la misère accable la majeure partie de la population, le dirigeant communiste compte — le jeu de mots est involontaire —, avec ses 900 millions de dollars, parmi les trois ou quatre premières fortunes personnelles de la planète. La Russie, dont la démocratisation est scrupuleusement contrôlée par le KGB s'est, elle aussi fait inviter à la table des droits de l'Homme. Pourtant, les revendications populaires y sont toujours vouées à l'épreuve de la terreur d'Etat, les opposants y sont toujours promis aux prisons de Sibérie et les étrangers de couleur y sont assassinés de jour, et sur les places publiques. Même la Chine, qui tue les trois quarts des exécutés de la planète pour partie, en fonction du programme de greffe d'organes, s'engage dans la protection de l'intégrité morale de la personne humaine. Toute la dérision qui se rattache à ladite commission peut se résumer dans la présence de l'Arabie Saoudite dont le rigorisme intégriste nie l'existence citoyenne du genre féminin et dont la générosité est à la base — Al-Qaïda, en arabe — de la formation idéologique et militaire de ce qui constitue aujourd'hui le réseau du terrorisme international. L'élection de l'Algérie ne correspond pas non plus à son apport potentiel à la cause des libertés humaines : que peut exporter, en la matière, un régime bien plus intraitable avec le délit d'opinion qu'avec le crime terroriste ? Depuis longtemps, l'ONU se résume à son Conseil de sécurité. La qualité de membres des deux cents autres nations semble faite pour leur octroyer le droit d'être un jour élu au siège de membre non permanent de ce Conseil. Position d'un relatif effet, puisqu'un veto de membre permanent s'avèrerait bien plus décisif que tous les votes des membres temporaires. En un mot, les voix de ces dix pays d'appoint ne comptent que si aucun membre décideur ne s'oppose à la résolution du moment. C'est justement la présence de certains pays au retard politique avéré qui vide les instances de l'ONU de leur légitimité et fait de l'Organisation internationale un lieu d'arrangement : les droits de l'Homme et la démocratie n'ont pas droit de cité dans un lieu où l'on compose plutôt qu'on ne milite. Il faut bien en convenir : les droits de l'Homme ne sont pas la cause des Nations unies, parce que ce n'est pas la cause des Etats, mais des hommes. M. H.