Lors d'une conférence qui s'est déroulée, avant-hier, à l'université d'Es-Sénia (Igmo) et organisée par l'instance nationale de décolonisation des relations algéro-françaises, Me Benbraham a évoqué à maintes reprises le droit des Algériens “à reconstituer leur histoire, pour que la mémoire collective du peuple soit à jamais inscrite”, et ce, encore pour que les relations entre les deux pays soient des “relations sur des bases solides, d'égale à égale”. L'oratrice intervenait pour évoquer la loi française du 23 février 2005 relative “au rôle positif de la colonisation”, une loi bien sûr décriée en Algérie. Après avoir rappelé à l'assistance ce que la colonisation a charrié comme crime contre l'humanité et ce, dès 1830, Me Benbraham estime que cette loi n'est pas la première erreur de la France et de déclarer : “De Gaulle, en 1945 déjà, avait dit attention au moment où nous sommes en train de combattre le nazisme que l'Algérie ne nous échappe pas, et il y eut le 8 Mai 1945 à Constantine…” Mais durant sa conférence, l'oratrice abordera longuement l'épineuse question des archives communes et l'ensemble des lois et autres entraves existant en France qui ont pour conséquence de ne pas permettre un accès libre aux Algériens de ces archives. Ce qui fera dire à Me Benbraham : “Nous ferons valoir notre droit à consulter toutes les archives qui concernent toute la période de la colonisation et si nous ne pouvons pas, nous pourrons aller à réclamer une résolution au niveau de l'ONU pour faire valoir ce droit.” En effet, selon la nature des archives, certaines ne pourront être consultées qu'après 120 ans pour les archives de 1re catégorie, les archives publiques 30 ans, les archives de justice 100 ans ou encore la loi du 9 janvier 1979, qui parle des archives de l'état civil et qui empêche leur consultation alors que c'est là un des moyens d'établir avec exactitude le nombre de morts etc. Et de citer un exemple effarant sur ce point, à savoir, le déroulement de l'exécution du chahid Ahmed Zabana. Nous apprenons ainsi que le bourreau qui a guillotiné Ahmed Zabana a dû s'y prendre à deux reprises, les deux premières fois la guillotine s'étant bloquée à quelques centimètres du cou du martyr. La troisième tentative, c'est un colonel qui a actionné la guillotine ! Ce fait historique inconnu de beaucoup de monde n'a pu être découvert que grâce au témoignage d'un des avocats qui est encore vivant car, dans les archives françaises il n'y est fait aucunement mention. L'intervenante citera encore bien d'autres exemples aussi éloquents et durs sur le contenu des archives françaises, leur inaccessibilité, mais surtout sur la destruction de milliers de documents qui sont ainsi perdus à jamais. D'où encore l'importance de recueillir les témoignages des témoins de l'époque encore vivants. Pour Me Benbraham, ce qui se passe est fait “pour effacer la mémoire de l'Algérie”. C'est là un véritable combat qu'appelle l'instance nationale pour la décolonisation des relations algéro-françaises. F. Boumediene