En dépit de l'existence des lois françaises du 5 et du 9 février 1979 facilitant la récupération des archives algériennes, les autorités françaises n'acceptent toujours pas de les rendre, car redoutant la divulgation de l'horreur de la colonisation comme l'exécution du chahid Ahmed Zabana. Intervenant jeudi dernier sur les ondes de la radio Chaîne III à l'occasion du Salon international du livre, Me Benbraham a remis au goût du jour la question des archives algériennes détenues par l'Etat français. En sa qualité de présidente de l'instance nationale de décolonisation des relations algéro-françaises, l'avocate a mis le doigt sur ce sujet brûlant en soulevant le cas de l'étrange histoire de l'exécution du chahid Ahmed Zabana, sur laquelle elle prépare une œuvre pour dénoncer les violations de la loi par l'Etat français durant la colonisation. Me Benbraham qualifiera de “crime d'Etat” l'opération de guillotinage du valeureux combattant. Elle dira que Me Zertal et Me Amara, les défenseurs du martyr, ont tout fait en vain pour empêcher les autorités coloniales de violer la loi. Celle-ci prévoit qu'au cas où la guillotine ne fonctionnerait pas correctement, le condamné devait être remis immédiatement en liberté. Dans le cas d'Ahmed Zabana, la machine s'est arrêtée à deux reprises à cinq centimètres du cou du martyr, mais ceux chargés de l'exécution ont catégoriquement refusé d'appliquer la disposition de la loi, “grâce divine”. Selon Me Benbraham, les avocats de Zabana en sont venus aux mains avec le procureur chargé de l'exécution dans l'espoir de leur faire entendre raison, sans résultat parce qu'ils étaient déterminés à aller jusqu'au bout de leur sale besogne. Le représentant de la justice militaire française ce jour ira jusqu'à inventer une disposition n'existant nulle part et stipulant que l'opération de guillotinage doit se poursuivre jusqu'à ce que la mort du condamné s'ensuive. Me Zertal, un des deux défenseurs du chahid Zabana, expliquera l'entêtement du bourreau à exécuter la sentence en violation de la loi en affirmant qu'il n'était autre que le procureur de la République française, un colonel de l'armée française et qu'il avait reconnu à ses chaussures malgré la cagoule, qui avait pris ce jour-là la place du bourreau de service. Revenant sur ce fait historique scandaleux pour la France, Me Benbraham s'interrogera sur la position de Paris sur la question de la remise des archives algériennes. Relatant les subterfuges utilisés par les responsables des centres d'archives de l'Hexagone pour ne pas remettre les documents aux Algériens, comme “la copie a disparu”, ou “elle a été mangée par les rats”, elle avouera ne pas comprendre le silence de l'Algérie. Son incompréhension est motivée par le fait que par ces pratiques, la France viole ses propres lois. Sur sa lancée, Me Benbraham rappellera l'existence des lois françaises du 5 et du 9 février 1979 promulguées pour régler cette histoire des archives algériennes. Le refus d'appliquer cette loi cache, selon elle, la peur de voir apparaître beaucoup d'affaires de ce genre, qui sont assimilables plus à des crimes contre l'humanité qu'à des crimes d'Etat, qui éclabousseraient la France. L'intéressée ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Elle est décidée à fouiner dans cette direction autant que possible pour identifier et honorer, d'une part, la mémoire des victimes de ces agissements abjects, mais également de dénoncer publiquement les crimes de la France coloniale en Algérie. Dans la foulée, elle citera le cas d'un ancien bourreau de l'armée française, qui lui aurait avoué avoir exécuté clandestinement à lui tout seul pas moins de soixante-quinze condamnés algériens. Le souhait de Me Benbraham est d'avoir accès aux archives afin de pouvoir réhabiliter, ne serait-ce qu'à titre posthume, les victimes, avec le concours et le soutien des autorités algériennes. K. ABDELKAMEL