L'on se rappelle cet enfant qui a tué, l'année dernière, son propre père en confondant le jouet de son frère aîné avec l'arme de son père qui était policier, ou cet autre qui a pointé son pistolet en plastique sur une patrouille de l'armée à Dellys. Alors que le ministre de l'Emploi et de la Solidarité avait annoncé, en 2005, la promulgation d'un décret interdisant la vente de jouets violents, le marché a connu, paradoxalement, un véritable développement. Il s'agit en fait de l'uniforme militaire pour enfant. Désormais, les armes à feu en plastique sont maintenant associées à toute sorte de tenues militaires que des importateurs ne trouvent aucune difficulté à introduire dans le pays. Une partie de ces uniformes est fabriquée localement, notamment les treillis de para que des centaines d'enfants arborent durant ces fêtes. Aussi bien les adolescents que les enfants ont voulu ressembler à de vrais soldats. Et comme ces tenues sont parfois vendues avec des galons, on a affaire à de véritables patrouilles menées par des capitaines ou des lieutenants. Farid, 14 ans, et son frère Karim, 12 ans, “jouent au colonel et au commandant” qui dirigent un détachement formé par de jeunes soldats qui ne sont d'autres que deux de leurs frères, un neveu et trois voisins. Les bambins, en treillis militaire, sont allés d'abord se photographier avant d'aller provoquer d'autres enfants. La plupart des armes- jouets qu'ils avaient entre les mains étaient dangereuses. Certaines sont pourvues de petites balles en caoutchouc pouvant provoquer de graves blessures surtout si elles sont tirées de très près. Mais les enfants, insouciants, croient que tout est permis dès lors que ces armes leur ont été achetées par leurs parents ou avec leur consentement. D'autres, même si elles sont inoffensives, ont l'apparence d'une véritable arme à feu d'où le danger qu'elles peuvent représenter en toute circonstance. L'on se rappelle cet enfant qui a tué, l'année dernière, son propre père en confondant le jouet de son frère aîné avec l'arme de son père qui était policier, ou cet autre qui a pointé son pistolet en plastique sur une patrouille de l'armée à Dellys. Heureusement que la vigilance de l'un des soldats a évité l'irréparable. Les exemples ne manquent pas. De très nombreux accidents de ce type sont recensés par les services de sécurité, et la plupart ont un dénominateur commun : l'arme en plastique. Qu'est-ce qui pousse ces enfants à opter pour ce genre de jouets violents et d'uniformes. Les explications sont multiples, selon les psychologues interrogés, mais l'influence de la télévision et l'anarchie qui règne dans le marché des jouets sont les deux raisons qui sont les plus prononcées par les spécialistes. “Nous vivons un monde de guerre et les enfants qui regardent parfois la télévision avec leurs parents en sont les premières victimes”, affirme une psychologue de Boumerdès. Les pouvoirs publics, qui avaient annoncé la mise en place d'une législation interdisant la fabrication et l'importation de ce genre de jouets, semblent pour le moment débordés comme nous avons pu le constater durant ces jours de fête de l'Aïd El-Fitr. En juin dernier, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Djamel Ould Abbès, accompagné de Raymond Jeanssens, de l'Unicef, et de Ruro Gérard Aïssa de SOS villages d'enfants, avait promis, en marge de la cérémonie de destruction symbolique d'un lot de jouets d'enfants ressemblant à des armes, que l'Etat allait mettre fin à cette gabegie et que ces armes seraient remplacées par des jouets éducatifs et culturels. Non seulement ces armes n'ont pas été interdites, elles se vendent désormais avec les uniformes. M. T.