Résumé : Youcef est finalement conduit dans un asile de fous. Son cousin n'a pas hésité à l'interner. On lui a même mis une camisole de force. Le soleil déclinait et la nuit commençait à étendre ses voiles. La cellule devenait obscure et juste un fin filet de lumière pénétrait sous la porte verrouillée de l'extérieur. j'entendis soudain une clé tourner. Un vieux portant quelque chose pénétra dans la pièce suivi de deux jeunes hommes. Croyez-vous qu'il va vouloir manger ? demanda le vieux. On verra, répondit l'un des jeunes infirmiers. - Dépose ton plat et sors, nous allons le détacher. Peu-être qu'il est dangereux ? Le vieil homme me jette un regard apeuré, mais compatissant. J'essayais de prononcer quelque chose pour les rassurer, mais ma langue alourdie avait de la peine à tourner dans ma bouche. Je jetais un regard au broc d'eau et l'un des infirmiers comprenant ma soif me souleva et approcha le broc de ma bouche. Je bus goulûment. L'eau avait un goût saumâtre, mais j'avais tellement soif. Ils me détachèrent avec précaution et je fis jouer mes membres engourdis. Me rendant compte tout d'un coup que je ne portais rien en dehors de la camisole, je me contentais donc de m'asseoir sur l'étroit lit en fer en glissant mes bras dans les manches râpeuses de la “chemise des fous”. Les jeunes gens me regardaient sans broncher. Ils guettaient ma réaction, mais j'étais trop affamé pour penser à autre chose. J'engloutissais le bout de pain sec avec le semblant de bouillon qu'on venait de me servir en guise de dîner. - Il n'a pas l'air du tout agressif, chuchote l'un d'eux - Méfies-toi de l'eau qui dort, répond l'autre. Avec ces malades, on ne sait jamais. Les crises de folie peuvent s'espacer et disparaître un bon bout de temps, mais elles reviennent toujours, et parfois elles sont très aiguës. Tu comprends… on ne sait toujours pas ce qui se passe dans la tête d'un tel malade. Le second infirmier hoche la tête : pourtant, celui-là cela semble différent. As-tu remarqué son regard ? Il n'a rien d'un fou. Son collègue hoche les épaules : Son parent avait fait tout un rapport sur sa conduite. Cet homme a failli à maintes reprises provoquer des catastrophes dans la maison. Il a même agressé son cousin et sa fille, une sourde-muette et épileptique de surcroît. Tu te rends compte ? Et tu veux me faire croire qu'il n'est pas fou. - J'écoutais toujours en mangeant, et bien sûr je ne pouvais répondre. Mon cousin a dû faire toute une déposition pour appuyer mon internement immédiat. Je terminais mon repas et les jeunes infirmiers reprirent le plat et le broc d'eau avant de s'éclipser. Néanmoins, ils avaient eu la gentillesse de ne pas me lier les membres et ils avaient laissé la lampe allumée. Je pouvais à la rigueur suivre le manège des moustiques autour de l'ampoule et les chasser de mon visage avec ma main. Y. H. (À suivre)