Deux hauts gradés des services marocains, abonnés aux rapports d'Amnesty, sont faits grand-croix de l'Ordre d'Isabelle la Catholique, l'une des plus hautes distinctions espagnoles. Il s'agit du patron de la Gendarmerie, le général Housni Benslimane, considéré comme l'homme fort du Maroc, et du patron de la Sûreté nationale, le général Hamidiou Laânigri, congédié depuis peu par le roi. La récente visite du président du gouvernement espagnol à Alger y a laissé une impression de malaise. Ici, on a pris l'habitude de voir facilement dans chaque arrivée d'un dirigeant étranger un soutien total à la politique du chef de l'Etat. D'où cette compréhension suscitée par José Luis Rodiguez Zapatero par son refus d'appuyer la solution du référendum d'autodétermination au Sahara occidental. Il n'y avait pourtant rien de nouveau dans cette attitude du gouvernement socialiste espagnol. C'est à Rabat que M. Zapatero a réservé sa première visite à l'étranger quelques jours après son élection en mars 2004 dans un contexte qui, pourtant, pouvait laisser présager une certaine défiance à l'égard du Maroc. L'Espagne venait d'être frappée par des attentats ayant fait 191 morts et 1 500 blessés, et les responsables de la tragédie étaient des Marocains. Cela n'a pas découragé M. Zapatero. Il entendait faire de ce voyage un signe de réchauffement avec son voisin du Sud après des années de tension sous la présidence de son prédécesseur de droite José Maria Aznar qui ont culminé avec la crise de l'îlot Persil en 2002. Un fait rapporté par le journaliste Ignacio Cembrero dans son récent livre Vecinos aléjados (voisins des deux rives) peut illustrer cette nouvelle lune de miel. En janvier 2005, le roi d'Espagne fait une visite à Rabat. L'organisation Amnesty International en profite pour lui adresser une lettre d'indignation sur les violations des droits de l'Homme au Maroc. Réponse du gouvernement de Zapetero : deux hauts gradés des services marocains, abonnés aux rapports d'Amnesty, sont faits grand-croix de l'Ordre d'Isabelle la Catholique, l'une des plus hautes distinctions espagnoles. Il s'agit du patron de la Gendarmerie, le général Housni Benslimane considéré comme l'homme fort du Maroc, et du patron de la Sûreté nationale, le général Hamidiou Laânigri, congédié depuis peu par le roi. Sur la question du Sahara occidental, M. Zapatero ne se gêne pas de nager à contre-courant de l'opinion publique espagnole, comme le rappellent les journalistes français Nicolas Beau et Catherine Graciet qui viennent de publier à Paris Quand le Maroc sera islamiste. “Autant le Premier ministre Zapatero est convaincu que la mode n'est plus à la naissance de micro-Etats, autant une partie de la société civile est favorable aux thèses indépendantistes du Front Polisario”, observent les auteurs. Pour autant, la nouvelle lune de miel est-elle appelée à durer ? Difficile de risquer un pari tant les contentieux persistent. Le Maroc, qui a annexé le Sahara occidental, revendique aussi la restitution des enclaves de Ceuta et Melila. Il le fait aujourd'hui avec moins de bruit que sous la présidence d'Aznar. Et pour cause. Mais les revendications marocaines concernent aussi d'autres possessions espagnoles en Méditerranée comme l'îlot Persil et les îles Jaâfarine. Autant de contentieux auxquels il faudra ajouter la délimitation des eaux territoriales des îles Canaries. Y. K.