Dans l'espoir de retourner la situation catastrophique en Irak, en sa faveur, le président américain a misé sur un effet qu'il considère positif de la pendaison de Saddam Hussein au sein des différentes communautés irakiennes, notamment chiite et kurde, tout en oubliant cependant le sentiment antiaméricain grandissant. Agissant de concert avec les autorités irakiennes, les Américains ont tout mis en œuvre pour atteindre leur objectif, consistant à marquer les esprits en ce jour de joie pour les musulmans. Nonobstant le passé de l'ancien président irakien, sa mise à mort aura provoqué l'émoi au sein de la communauté musulmane à travers le monde, parce que nul ne s'attendait à une telle œuvre macabre à l'aube de cette fête religieuse, synonyme de recueillement et de pardon. Il est clair qu'une telle idée ne pouvait émaner des seuls responsables irakiens, pressés, certes, de se débarrasser de celui qui continuait de leur faire de l'ombre, même du fond de sa cellule. Une telle idée de “génie” ne doit avoir pour origine que les stratèges militaires américains, avec comme but inavoué un choc qui tétaniserait les insurgés irakiens et réduirait leurs actions meurtrières sur le terrain. C'est un pari hautement risqué, pour la simple raison que les observateurs de la scène irakienne sont dans l'incapacité de distinguer entre les différents acteurs de cette violence inouïe, dont l'ampleur ne cesse d'augmenter au fil des jours, au grand dam de George Bush, qui a fini par admettre récemment que les forces américaines n'étaient pas en train de gagner la guerre en Irak. Ce coup de poker du patron de la Maison-Blanche a, certainement, pour objectif de rallier à lui les chiites. Il mise sur leur esprit revanchard, qu'il considère comme un paramètre important, à travers l'exécution de Saddam, afin de s'assurer de leur soutien. Ce pari fort hasardeux a peu de chances de réussir, quand on connaît la position antiaméricaine du leader chiite Moqtada Sadr, qui ne cesse de réclamer le départ des troupes US. La mise à mort de l'ancien maître de Bagdad pourrait avoir pour conséquences de transformer Saddam “le dictateur” en Saddam “le martyr”, et surtout d'apporter de l'eau au moulin des détracteurs de l'Administration Bush, qui n'accordent guère de légitimité au nouveau pouvoir irakien. C'est surtout du pain bénit pour les extrémistes intégristes que leur offre le président US à travers cet acte. Des groupes d'Al-Qaïda jusqu'à la résistance, l'exécution de Saddam Hussein, un jour saint, alimentera non seulement la propagande islamiste dans le monde arabe et musulman mais aggravera le fossé, déjà considérable depuis la campagne anti-arabe menée après les attentats du 11 septembre 2001, entre l'Occident et le monde arabe et musulman. S'il est bien entendu clair que l'occupation US de l'Irak a pour objectif de contrôler l'une des plus importantes réserves pétrolières dans le monde et assurer la sécurité de l'Etat d'Israël, il n'en reste pas moins que son intention d'envoyer d'autres troupes en Irak n'obéit qu'au seul objectif d'assurer la sécurité des soldats américains qui seront redéployés hors des zones à risques. Ces dernières seront confiées aux forces irakiennes qui constitueront la chair à canon pour faire face aux insurgés et autres terroristes. Condamné à une cohabitation ardue avec les démocrates pour les deux dernières années de son ultime mandat, George W. Bush cherche, à travers l'exécution du président irakien déchu que d'aucuns considéraient comme un prisonnier de guerre, à provoquer le déclic tant espéré pour se replacer dans l'échiquier. L'avenir immédiat nous renseignera sur l'opportunité de sa nouvelle stratégie qui risque d'embraser toute la région. K. ABDELKAMEL