Le tribunal criminel près la cour de Blida a poursuivi, jeudi passé, l'audition de Abdelhafidh Chachoua, directeur général de Khalifa groupe protection et sécurité (KGPS) dans le cadre du procès de l'affaire de la caisse principale d'El Khalifa Bank. Celle-ci a été aussi tendue que la précédente entre les magistrats et l'accusé. Interrogé sur sa relation avec le sponsoring des clubs de football et s'il connaissait Lakhdar Belloumi, Abdelhafidh Chachoua réitérera les mêmes propos que la veille. Il n'avait aucune relation avec le sport et n'avait rencontré qu'une ou deux fois l'ancien joueur de la sélection nationale, devenu en décembre 2000, le représentant sportif de Khalifa Airways à l'Ouest. Après le témoignage de Lakhdar Belloumi, la présidente reposera cette question à l'accusé. “Tout ce qu'il dit est vrai”, se contentera de dire le DG de KGPS. Ce qui énervera la magistrate. Celle-ci ne se contenant plus lui lance : “Si vous avez fait du foot, moi j'ai 22 ans ici… Doucement, comment voulez-vous que je vous croie pour le reste ? Ne me dites pas qu'il y a une corrélation entre vos dires…” Abdelhafidh Chachoua redira qu'à son souvenir, il n'a rencontré pour la première fois Lakhdar Belloumi qu'à l'occasion du match en France. Elle l'interpellera sur sa présence lors de la rencontre d'Hydra entre des responsables du groupe Khalifa et l'ancien international. “Je ne m'en souviens pas…” La magistrate demandera à Badredine Chachoua, accusé et frère de Abdelhafidh, s'il était présent. La réponse est identique. “Je ne m'en rappelle pas... Je crois que M. Belloumi avait un local à Mascara qu'il voulait proposer à El Khalifa Bank”, dira Badredine Chachoua. Djamel Guelimi, auquel elle a posé la même question, lui dira qu'“il y avait d'autres personnes”, sans se rappeler qui exactement. Il était présent sur instruction de RAK qui “voulait” Lakhdar Belloumi comme représentant. “On n'est pas entré dans les détails. C'était juste l'idée…” Par leurs déclarations respectives, les trois inculpés auront réussi à faire sortir de ses gonds la magistrate. “Elevez un peu le niveau. Il y a des vérités. On peut se faufiler quand il y a des manières. Quand c'est une impasse, c'est une impasse”, lancera-t-elle. Djamel Guelimi jurera ne pas se souvenir des présents, ce qui énervera encore plus la magistrate. “Vous jurez par Dieu ? Pourquoi cacher ? Qui vole un œuf, vole un bœuf. Qui ment ici, ment pour le reste...”, commentera-t-elle. À Abdelhafidh Chachoua qui désirait s'expliquer, Mme Brahimi le refusera arguant que le “dossier est clos”. “Je vous ai donné votre chance comme aux autres que j'ai entendus une fois, deux, trois. Je leur ai laissé la possibilité de s'expliquer. Ne me dribblez pas…”, dira-t-elle. Un avocat de la défense ne manquera pas de relever que puisque Lakhdar Belloumi était le représentant de Khalifa Airways, cela ne faisait pas partie du dossier traité par le tribunal. “On avait dit qu'on ne sortait pas de la banque...”, dira-t-il. Chose à laquelle la magistrate n'aura pour seule réponse : “Si Monsieur Abdelhafidh Chachoua avait eu l'audace de me dire la vérité, je n'aurais pas appelé M. Belloumi.” Me Ksentini conteste les questions d'ordre personnel Au procureur général, Abdelhafidh Chachoua redira qu'il ne possédait pas de cartes bancaires, qu'il avait en sa possession deux ou trois chéquiers. Une Mastercard a été trouvée chez lui selon la présidente. “Je n'en ai jamais eu à ma disposition. Celle-ci m'a été donnée par Raghed El-Chemaâ… Comme je n'avais pas de compte bancaire à KB hormis celui où mon salaire était versé, je n'ouvrais pas droit à l'utilisation de cette carte.” Abdelhafidh Chachoua marquera son malaise. “Je sens que vous ne me croyez pas. C'est pour ça que je n'arrive pas à répondre facilement”, dira-t-il à la présidente. Cette dernière lui rétorquera : “Parce que je sens que vous me mentez et que vous ne me dites pas la vérité… Quand vous me direz la vérité, je vous croirai.” La magistrate l'interrogera également sur une autre carte trouvée chez lui, portant l'inscription “N. D. M.” avec “la photo d'un âne, un numéro de téléphone ainsi qu'un code”. L'accusé ne pourra répondre arguant que c'est la carte d'un “club”. “Je ne peux vous l'expliquer sinon j'aurai des mots vulgaires...” La présidente lui demandera également s'il avait une relation avec l'ANP. “Non”, aura été la réponse. Elle lui demandera d'expliquer le fait qu'il ait eu en sa possession une carte d'accès au centre de repos familial de l'armée à Zéralda. “J'étais invité à un mariage. J'ai rencontré le directeur. Je lui ai demandé une carte pour pouvoir emmener mes enfants à la plage.” Quant aux codes et numéros inscrits dessus, il ne les expliquera pas. Me Farouk Ksentini, qui défend l'accusé, a alors réagi, disant à la juge que “les détails de la vie privée” de son client n'avaient pas de relation avec le procès. Ce que la juge a rejeté affirmant que la loi lui donnait le droit d'interroger l'accusé sur “tous les points” mentionnés dans l'arrêt de renvoi. 770 500 dollars pour réaliser un film sur RAK Le PG reviendra sur le document portant le versement de 385 500 dollars retrouvé dans la voiture de Abdelhafidh Chachoua. Ce dernier redira ne pas en avoir eu connaissance et réaffirmant que RAK l'avait peut-être oublié dans sa voiture. Un chèque de 770 000 dollars a été libellé en 2002 au nom d'un réalisateur de Hollywood pour tourner un documentaire promotionnel sur le parcours d'Abdelmoumen Rafik Khelifa, selon les documents révélés jeudi passé par le tribunal. La juge a indiqué que ce chèque avait été découvert par les services de sécurité d'un montant de 770 500 dollars, et destiné au réalisateur Joël Soler qui devait l'encaisser dans une banque américaine à Los Angeles. Un premier versement de 385 500 dollars a été fait, a précisé le PG, objet du document trouvé dans la voiture de Abdelhafidh Chachoua. Le film documentaire, qui n'a apparemment jamais été réalisé, devait s'intituler Le phénomène Khalifa, a indiqué le magistrat. Abdelhafidh Chachoua a déclaré qu'il n'avait “aucune relation” avec ce projet. “Rafik Khelifa a oublié le chèque dans la boîte à gants de ma voiture”, a-t-il indiqué rappelant qu'il le conduisait de temps à autre. “Peut-être quand Gérard Depardieu était en Algérie avec Ould-Abbès pour la diffusion du film Astérix et Obélix…” L'opération a été financée par le groupe. Les avocats de la défense interrogeront également l'accusé notamment sur les instructions qu'il donnait à Dellal Abdelouahab pour que ce dernier récupère les sacs cadenassés à la caisse principale. Il redira que ses instructions étaient “verbales”, qu'il n'est jamais arrivé que le sac lui ait été remis ouvert et que Dellal Abdelouahab n'avait pas connaissance du montant. Les auditions reprendront dimanche. Le plan de travail hebdomadaire Un plan de travail a été approuvé par le tribunal et la défense pour la semaine prochaine sur proposition de la présidente. C'est le “point légal” qui sera abordé à compter de dimanche. Au titre des témoignages, le tribunal a programmé d'entendre Moncef Badsi, le liquidateur d'El Khalifa Bank, sur le strict volet de la caisse principale et non sur celui concernant également les agences, puis les membres de la commission bancaire, l'inspecteur général et le gouverneur de la Banque d'Algérie, ainsi que les personnes liées au dossier au niveau du ministère des Finances “jusqu'au ministre Mourad Medelci”. Samar Smati
