Ils sont 137, soit plus de 96% des 145 étudiants en formation dans le pays, à avoir quitté Bagdad, avant les premières attaques américano-britanniques. Ils se sont scindés en deux grands groupes, l'un passant par Amman (Jordanie), l'autre par Damas (Syrie), avant de regagner Alger. Huit étudiants seulement ont décidé de rester en Irak, même si la guerre est déclenchée. Aux dernières nouvelles, c'est-à-dire le 20 mars dernier, ils étaient sains et saufs et ne semblaient toujours pas disposés à rentrer au pays, si l'on se réfère aux déclarations de deux représentants des 107 étudiants algériens boursiers en Irak, Fahima Makhloufi et Khaled Hamidi. Selon ces derniers, leurs contacts à Bagdad leur ont précisé que 137 étudiants ont quitté le sol irakien, suivis, il y a quatre jours, par le personnel de l'ambassade d'Algérie. Hier, lors de notre entrevue avec les deux délégués, ces derniers nous ont brossé un tableau de la situation prévalant dans le pays de Saddam Hussein, avant leur départ, et l'état d'esprit de la “petite” communauté algérienne qui compte moins de 300 personnes, dont les étudiants et les familles de diplomates. Ils ont également fait part de leurs inquiétudes vis-à-vis d'amis et de “voisins” laissés derrière eux, ainsi que de leur souhait de voir leurs études se poursuivre. Comme il fallait s'y attendre, la menace de guerre proférée par le président américain, George W. Bush, a fait son effet dans le milieu estudiantin. “Nous étions très perturbés, nous ne pouvions plus travailler normalement et d'un autre côté, il nous était difficile de prendre une décision en janvier et février”, confie Fahima Makhloufi. Cette étudiante en urbanisme et architecture, à qui il ne reste qu'une seule année pour décrocher son doctorat (PHD), ne cache pas le grand malaise et les tiraillements subis par ses camarades, toutes disciplines confondues, devant la menace de guerre. “La panique était très grande et nous vivions plusieurs pressions à la fois : la guerre allait arriver, nous étions confrontés à des contraintes administratives liées à notre évacuation, nos parents ne cessaient de nous téléphoner pour nous demander de partir”, affirme-t-elle, avant de rappeler toute la difficulté d'“abandonner” un pays et surtout un peuple qu'elle a côtoyés pendant six longues années. “Je suis partie de Bagdad le 11 mars dernier, avec le premier groupe et j'ai laissé mes voisines et amies irakiennes en pleurs”, avoue-t-elle, les larmes aux yeux. Moment d'émotion et de silence. Il sera interrompu par Khaled Hamidi, qui insistera pour rapporter les dernières paroles de ses amis irakiens. “Ils m'ont convaincu de retourner en Algérie, comme me l'ont d'ailleurs conseillé des professeurs de l'institut en me demandant de ne pas les oublier et de déposer une rose sur leur tombe, si je venais à revenir un jour en Irak”. L'étudiant en administration des affaires est tout aussi ému et semble plus perturbé que sa collègue, d'autant qu'il ne lui restait que deux mois pour soutenir sa thèse de magistère. Pourtant, aussi bien Fahima que Khaled, tous deux ne sont pas près d'oublier les péripéties de leur sortie de Bagdad, puis de leur retour au pays. Ils révèlent que les responsables de l'ambassade algérienne en Irak n'ont pas fait montre de compréhension, donnant l'impression aux étudiants d'être “livrés à eux-mêmes”. Les rencontres programmées avec l'ambassadeur, Mustapha Boutoura, et les promesses faites par ce dernier concernant l'évacuation de la communauté estudiantine, n'ont pratiquement servi à rien, selon les deux représentants, puisque les étudiants et leurs délégués ont eu à faire face, seuls, aux difficultés rencontrées sur le terrain, afin de se procurer un visa de sortie et de quitter le territoire irakien. La seule aide concrète apportée par l'ambassade à Bagdad a été de respecter son engagement, quant à l'avancement de la bourse d'avril-mai-juin 2003. “Beaucoup d'étudiants se demandaient où était l'Etat algérien et ne comprenaient pas comment ils allaient financer leur évacuation, c'est-à-dire l'hôtel à Amman, le transport, l'excédent de bagages et les billets d'avion”, explique l'étudiant en administration des affaires, avant de s'emporter : “Le 1er mars, les responsables de l'ambassade nous ont clairement signifié que ceux qui voulaient quitter Bagdad devaient se débrouiller tous seuls, même le bus qui devait nous amener à Amman n'a pas été payé comme prévu précédemment”. A partir de cet instant, la rupture a été consommée avec l'ambassade. Le seul lien a été maintenu avec Fodil Aïssani, le consul qui recevait chaque étudiant avant son départ de la capitale irakienne. Fort heureusement les choses se sont vite réglées une fois les étudiants arrivés à Amman : “Prise en charge totale” par l'ambassade de toutes les “tracasseries” matérielles. “Nous avons enfin senti que nous étions vraiment des cadres algériens”, soutient la déléguée des étudiants boursiers, avant de noter plus loin : “Nous savons que les étudiants qui ont transité par Amman ont été bien assistés par l'ambassadeur, l'attaché de la sécurité et l'attaché culturel. Pour le groupe qui est passé à Damas, nous n'avons aucune idée sur l'accueil qui leur a été réservé.” Aujourd'hui, ils sont surtout préoccupés par leur situation présente. “Nous espérons que l'Etat algérien, qui a effectué des dépenses pour notre formation à l'étranger, respectera ses engagements jusqu'au bout”, nous dira Fahima. Celle-ci sera relayée par son collègue Khaled, qui lâchera : “Nous espérons aussi obtenir les réponses du ministère de l'Enseignement supérieur le plus tôt possible”. Au département de la coopération internationale du ministère de l'Enseignement supérieur, une première réunion s'est tenue le 18 mars 2003 entre le responsable de cette structure, M. Saïdani, et les représentants des étudiants boursiers. Des promesses ont été faites par la tutelle, quant au transfert des boursiers vers un autre pays. Aujourd'hui, une seconde réunion aura lieu au même département. Quelle sera la réponse de M. Saïdani ? H. A. Des diplomates irakiens s'emprennent à l'ambassade américaine Le personnel diplomatique de l'ambassade irakienne a tenté d'agresser, jeudi soir, leurs collègues américains. Juste après les premières frappes sur Bagdad, les diplomates irakiens se sont dirigés vers l'ambassade des USA, menaçant de l'investir. Ce qui a nécessité l'intervention immédiate de la police algérienne sur les lieux. Selon des sources, la police a eu fort à faire du fait que les diplomates irakiens ont mis en avant leur immunité diplomatique. Il aura fallu finalement tout le tact de Ali Tounsi en personne pour que les choses rentrent dans l'ordre. R. N.