Rien ne va plus entre le palais royal marocain et ses islamistes institutionnels. Une réunion publique d'un dirigeant du PJD (Parti justice et développement), bien représenté dans le Parlement, a été violemment empêchée à Fès par des partisans du ministre marocain de la Culture. L'accusation est proférée par le président du conseil national du PJD, Abdellah Benkirane, chef du groupe parlementaire du parti islamiste. “Je devais tenir dimanche une réunion politique à Fès, quand des hommes ont bloqué l'entrée de la salle, m'ont insulté, lancé des slogans favorables au ministre de la Culture, puis sont montés sur l'estrade et ont tout cassé”, a raconté Benkirane. Le PJD, qui a fait de l'entrisme politique pour mieux rebondir au sein d'une société complètement “ré-islamisée”, ne veut toutefois pas rompre le deal car 2007 est l'année des législatives. Le parti islamiste, qui s'est dissocié des radicaux marocains nourris à l'idéologie d'Al-Qaïda, préfère mettre les coups qui lui sont portés sur le compte des socialistes auquel appartient le ministre incriminé. J'espère qu'il ne s'agit que d'un dérapage, fait mine de se consoler Benkirane. En réalité, la polémique fait rage entre les deux hommes depuis la décision du ministère de la Culture de ne plus autoriser plusieurs maisons d'édition étrangères d'exposer des livres islamiques, notamment lors du 13e Salon international du livre, qui s'est ouvert le 9 février à Casablanca. C'est inconcevable que cet homme reste ministre de la Culture dans un pays où la Constitution stipule que c'est un Etat islamique, que sa religion officielle est l'islam, que son roi est le Commandeur des croyants et en même temps, le ministère de la Culture interdit plus de 50 maisons d'édition du livre islamique d'exposer ces livres, se désole à longueur d'interventions Benkirane. Le ministre, qui appartient à l'USFP (socialiste), a répliqué en qualifiant, de son côté, l'attitude du parti islamiste de campagne électorale prématurée. Le PJD, le parti du courant islamique marocain modéré, pense le moment venu à réduire les distances qu'il avait prises avec sa base pour s'incruster dans les institutions. D'où l'abandon de son profil bas tactique. Une chose est sûre, les prochaines élections inquiètent au plus haut point les autorités marocaines dont le pays est, aux yeux de multiples observateurs, en passe de boire la tasse islamiste. D. Bouatta