La bataille médiatique demeure un point essentiel dans la guerre psychologique que mènent les deux camps, avec, cette fois, un avantage certain pour les Irakiens. Le maître de Bagdad semble cette fois-ci avoir tiré les leçons de la première guerre du Golfe. De nombreux journalistes occidentaux ont pu rester à Bagdad bombardée, contrairement à 1991 où ils avaient été chassés de la capitale irakienne. Par leurs témoignages, ils ont pu raconter les ravages causés par les missiles tombés mercredi sur un marché, faisant 15 morts, et celui de vendredi 62 morts. Saddam Hussein a habilement utilisé la télévision pour faire savoir qu'il était toujours aux commandes. Ses vice-présidents, Ramadan et Ibrahim, et son fils, Qussaï, qui a la haute main sur les services de sécurité, sont également apparus sur le petit écran. Mais l'homme qui incarne cette guerre de l'information est incontestablement le ministre de l'Information, Mohamed Saïd Assahhaf . Ce dignitaire irakien, âgé de 64 ans, est né à Halla dans la province de Babel où il effectuera ses premières études. Il rejoint ensuite la faculté des lettres à l'université de Bagdad pour y préparer une licence d'anglais. A la fin de ses études, il intègre le parti Baâs, avant d'être nommé directeur de la radio et la télévision irakienne après la révolution de 1968. S'ensuivra une carrière diplomatique où il sera ambassadeur dans plusieurs capitales étrangères comme l'Inde ou la Suède, et occupera ensuite le poste de ministre des Affaires étrangères. Et depuis deux années, Mohamed Saïd Assahhaf assure les fonctions de ministre de l'Information. Devenu porte-parole du gouvernement, il anime plusieurs conférences de presse depuis le début du conflit. Usant d'un vocabulaire très virulent à l'égard des envahisseurs qu'il surnomme “ouloudj”, ce qui veut dire “sangsues”, Mohamed Saïd Assahhaf informe quotidiennement les journalistes présents à Bagdad de l'évolution de la situation. N'hésitant pas à ironiser la propagande américaine, le ministre a toujours apparu serein, minimisant la portée des frappes américaines. Les chiffres et les informations qu'il distille n'ont, à ce jour, jamais été contredits, ce qui laisserait croire que les autorités irakiennes ont une réelle volonté de paraître crédible aux yeux du monde. Pour contrer les revers que subit la coalition sur le terrain, les militaires américains tentent de détruire tous les relais d'information pour faire taire les médias qui leur sont hostiles. La tâche devient de plus en plus compliquée pour les Etats-Unis, non seulement parce que la légitimité de leur opération est largement contestée dans le monde, mais aussi parce que, contrairement à la première guerre du Golfe, les médias occidentaux ne monopolisent pas la communication. L'existence de la télévision Aljazeera ainsi que d'autres télévisions arabes comme Abu Dhabi ont empêché les Américains de contrôler les images. Ce qui n'a pas été du goût de Washington qui a refusé d'autorisé Aljazeera à couvrir les activités de la Bourse de Wall Street. M. O.