Plusieurs stratèges du Pentagone reprochent, ouvertement dans la presse, au secrétaire d'Etat à la Défense de n'en faire qu'à sa tête, en refusant de tenir compte de leurs conseils. “Le président place une confiance absolue dans le secrétaire Rumsfeld et ses généraux, dans la direction et les décisions parce que le président considère comme un succès la campagne militaire”, a affirmé hier un responsable proche de Bush, sous le couvert de l'anonymat en réaction aux vives critiques d'experts militaires en direction de Donald Rumsfeld dans plusieurs journaux américains cette semaine. Jusqu'à quand durera cette confiance ? s'interrogent les observateurs de la crise irakienne. “C'est Rumsfeld lui-même qui a créé cette pagaille parce qu'il ne voulait pas voir trop de troupes au sol”, affirme un des responsables militaires du pentagone au quotidien le New Yorker. Dans le Washington Post, un autre stratège en la matière, le général William Wallace, est sorti publiquement de sa réserve en disant que “l'ennemi combattait d'une façon différente de celle retenue dans nos plans de guerre”. Une manière indirecte de remettre en cause la stratégie du secrétaire d'Etat à la défense. Les critiques pleuvent sur le plan de guerre adopté par Donald Rumsfeld. Il lui est reproché d'avoir refusé de prendre en considération les recommandations visant à augmenter le nombre de soldats à engager dans la guerre en Irak. “Il pensait qu'il en savait plus que nous. C'est lui qui a pris toutes les décisions à chaque étape”, ajoute un expert dans l'hebdomadaire le New Yorker. Rumsfeld est accusé d'avoir ignoré la demande du commandant en chef dans la région, Tommy Franks, de retarder l'invasion de l'Irak pour donner le temps à la quatrième division, qui n'a pu se déployer au nord en raison du refus de la Turquie d'autoriser l'entrée sur son territoire des forces américaines, de se redéployer au Sud. “C'est tragique, car cela coûte des vies aux Américains”, renchérit un autre spécialiste militaire, dans le même journal. Pis, le blocage des troupes américaines à une centaine de kilomètres de Bagdad est également attribué au secrétaire d'Etat à la Défense, devenu responsable du manque de munitions et de ravitaillement. Ainsi, Donald Rumsfeld et ses deux adjoints directs, en l'occurrence Paul Wolfowitz et Douglas Feith, sont accusés d'avoir pris à la légère la préparation de la guerre, pensant que la victoire était assurée. Cet excès d'optimisme est aussi relevé par le USA Today et le Washington Post. Ce dernier quotidien rappelle que George Bush s'est toujours gardé avant la guerre “d'évoquer le coût et les dangers de l'opération, tandis qu'un certain nombre de ses conseillers multipliaient les pronostics optimistes”. Dans une autre édition du Washington Post, il est fait référence à l'exploit peu glorieux de l'Administration Bush d'avoir réussi en une semaine ce que le président Johnson avait achevé en un an, à savoir créer le doute sur la crédibilité du plan de guerre. Le New York Times prend le relais pour entretenir la polémique sur le responsable de la défense américaine, qui tente de se disculper en imputant les déclarations d'experts militaires critiques à son égard par la situation tendue que vivent les soldats US au front. Ceci n'empêche pas un colonel d'affirmer au journal que Rumsfeld “a voulu mener cette guerre sans dépenser trop de sous ; il a eu ce qu'il voulait”. L'exemple de Dick Cheney qui affirmait que la guerre durerait “quelques semaines et non des mois”, est fréquemment cité par la presse. Selon USA Today, “la campagne aérienne “Choc et stupeur” n'a pas incité Saddam à fuir, une montée rapide vers le nord des troupes américaines n'a pas convaincu la Garde républicaine de lâcher ses armes ou de trahir Saddam. Au lieu de cela, la marche accélérée vers Bagdad a exposé les couloirs d'approvisionnement à des attaques de type guérilla que les commandants américains n'avaient jamais imaginées”. Autant de critiques qui s'adressent directement au numéro un du pentagone, désigné comme premier responsable du piétinement des soldats américains dans leur avancée vers la capitale irakienne, qu'ils devaient rallier au cours de la première semaine du début des hostilités. Est-ce là une façon de jeter à la vindicte populaire, un bouc émissaire pour justifier l'échec de l'opération “Choc et stupeur” ? Cela en a tout l'air ! K. A.