Affaibli, le chef des «faucons» adopte un profil bas et une politique de plus en plus... défensive. Les critiques de la stratégie adoptées par le Pentagone sur la guerre en Irak, commencent à prendre un tour plus personnel en mettant directement en cause le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, accusé d'avoir sciemment limité les effectifs engagés dans les opérations. A côté de la guerre en Irak, une autre guerre, jusque-là menée en sourdine, vient d'éclater au grand jour, entre le Pentagone et le département d'Etat à la défense. Dans un article de l'hebdomadaire New Yorker à paraître aujourd'hui, plusieurs stratèges du Pentagone s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, reprochent à Rumsfeld d'avoir fait preuve de légèreté dans la préparation de la guerre, en passant outre, à leurs recommandations en faveur d'un accroissement du nombre d'unités nécessaires pour lancer la guerre. Rumsfeld, estiment les experts, a voulu reconduire en Irak la tactique qui avait donné d'excellents résultats en Afghanistan. Il a, ce faisant, perdu de vue, estime-t-on encore, ces faits désormais indéniables, que Saddam n'est pas le mollah Omar et que l'armée irakienne n'est pas les quelques groupes débridés des talibans et d'Al-Qaîda. A plusieurs occasions, le premier responsable de la défense américaine, porte-parole du redoutable camp des faucons, avait personnellement insisté pour que les effectifs des troupes au sol déployées sur le terrain, soient réduits, affirment ces stratèges. «Il pensait qu'il en savait plus que nous. C'est lui qui a pris toutes les décisions à chaque étape», a déclaré l'un de ces responsables militaires dans les colonnes du New Yorker. En clair, Rumsfeld est en train d'être lâché. Ultime manoeuvre, après la chute du «prince noir», Richard Perle, pour une sombre affaire d'argent, visant à sauver encore, pour quelque temps, le poste présidentiel. Vendredi, le patron des forces terrestres américaines en Irak, le général William Wallace, est même publiquement sorti de sa réserve en reconnaissant, dans le Washington Post, que «l'ennemi (combattait) d'une façon différente de celle retenue dans nos plans de guerre». Autant de critiques que le secrétaire à la Défense et son chef d'état-major interarmées, le général Richard Myers, ont jusque-là, balayées, en soutenant que leur plan de guerre était «brillant» et qu'il se déroulait comme prévu. Mais le New Yorker est venu donner un nouveau tour à ces critiques, en mettant, pour la première fois, personnellement en cause Donald Rumsfeld. En effet, selon plusieurs stratèges du Pentagone cités dans l'hebdomadaire, M.Rumsfeld a catégoriquement refusé le déploiement dans le Golfe de quatre divisions supplémentaires, pourtant préconisé par l'état-major. Il a aussi rejeté la demande de son commandant en chef dans la région, le général Tommy Franks, de retarder l'invasion pour donner le temps à la 4e division, qui n'a pu entrer dans le nord de l'Irak par la Turquie, de se redéployer au Sud. «C'est tragique, car cela coûte des vies aux Américains», a jugé un stratège du Pentagone cité par le New Yorker. Rumsfeld est en passe d'être responsabilisé par rapport aux nombreuses victimes américaines, enregistrées quelques jours à peine, depuis le déclenchement de la guerre contre l'Irak. L'Oncle Sam, qui a un prestige à sauvegarder et qui compte bien continuer à régner sur le monde en usant de la force, ne peut admettre que les troupes irakiennes soient seules responsables de la «débâcle» américano-britannique. Si Rumsfeld a tenté d'accuser les Russes, les Syriens et les Iraniens d'être derrière certains revers, l'état-major, lui, ne se gêne plus, pour accuser ce dernier ouvertement. Ces sources vont encore plus loin en soutenant que le secrétaire à la Défense est lui-même, responsable du blocage actuel des troupes américaines aux portes de Bagdad, notamment par manque de munitions ou de vivres. «C'est (Donald) Rumsfeld lui-même qui a créé cette pagaille parce qu'il ne voulait pas voir trop de troupes au sol». Le désaveu de Rumsfeld et sa tactique basée sur le «choc et la terreur», semble avoir commencé avec de gros renforts envoyés dans la région, à partir du Texas et le changement de tactique de l'armée, selon Myers, chef d'état-major interarmes, qui s'exprimait, hier, sur les ondes de la BBC à propos de l'attentat-suicide d'hier. La fronde paraît d'autant plus justifiée que les deux adversaires, Pentagone et département d'Etat à la défense, s'accordent sur une chose au moins: les combats les plus durs et les plus redoutables restent encore à venir...