Tout compte fait, ce sont des milliards de dollars de l'argent du pétrole qui se sont évaporés depuis quatre ans en Irak, selon un rapport américain, sans que l'on puisse en connaître la destination. Un projet de rapport du gouvernement américain, publiable la semaine prochaine, mais divulgué hier par le quotidien New York Times, révèle qu'un écart important a été constaté entre la production officielle de l'Irak, évaluée à deux millions de barils/jour, et la production réelle. Les auteurs du document n'arrivent pas à déterminer que devient quotidiennement une quantité variant entre 100 000 et 300 000 barils. Selon les calculs estimatifs, basés sur un prix moyen du baril de pétrole de 50 dollars, cela signifie qu'entre 5 et 15 millions de dollars s'évaporent chaque jour dans la nature, depuis l'invasion armée de l'Irak le 20 mars 2003 par l'armée multinationale sous commandement américain. Au bout du compte, jusqu'à maintenant, les pertes s'élèvent à plusieurs milliards de dollars. Cela dit, si le rapport n'aboutit à aucune conclusion en ce qui concerne les barils de pétrole disparus, il propose néanmoins de nombreuses hypothèses pour tenter d'expliquer l'origine de ce phénomène. Pour cela, il cite les hypothèses du sabotage d'oléoducs ou des erreurs dans le calcul de la production quotidienne, notamment dans le sud de l'Irak. Ne s'arrêtant pas à ce stade simpliste du constat, une source du Times affirme : “Mais il a également pu être volé”, tout en pointant du doigt les milices chiites. Il explique que “le pétrole brut n'est pas aussi lucratif dans la région que les produits raffinés, mais nous ne l'excluons pas”. Poursuivant dans le même sens, il ajoute : “Cela ne concerne pas, en soi, l'insurrection, mais il pourrait servir à financer des groupes chiites, et cela pourrait très bien être le cas.” Il ne manque pas de tirer la sonnette d'alarme en affirmant : “Ce serait préoccupant s'ils utilisaient de l'argent issu de la contrebande pour perpétrer des attentats contre les soldats américains ou tuer des sunnites ou faire quoi que ce soit qui mette en péril l'unité du pays.” Versant dans le même sens, un expert du secteur pétrolier au sein de l'administration américaine, Erik Kreil, précis au journal qu'une analyse comparée des chiffres de la production de pétrole à travers le monde démontre que le compte n'y est pas en Irak. Selon lui, il existe deux explications plausibles à cette situation : “Soit ils produisent moins, soit ils produisent ce qu'ils disent, et la différence est totalement inexplicable pour tous les endroits où nous pensons qu'elle devrait être acheminée.” Ceci l'amènera à conclure : “Soit c'est trop optimiste, soit une partie du pétrole a disparu.” Enfin, la corruption ou la contrebande sont les deux possibilités justifiant la disparition des milliards de dollars issus de la production de pétrole en Irak au cours de ces quatre dernières années, indique un projet de rapport américain. Il remet ainsi au goût du jour les soupçons pesant sur le secteur pétrolier irakien, dont des responsables corrompus seraient de mèche avec des trafiquants et des insurgés. K. ABDELKAMEL