Ils ont réussi pendant trois jours à paralyser les tribunaux de la capitale. Grève réussie pour les avocats de la capitale qui ont, au second jour de leur action, entièrement paralysé les tribunaux. Faisant un “pré-bilan” de ce débrayage, Me Selini, bâtonnier d'Alger et président de l'Union nationale des barreaux algériens, a organisé, hier, au siège du tribunal de Sidi M'hamed, une conférence de presse à laquelle de nombreux avocats ont assisté. A ses yeux, les trois jours de grève décidés constituent un ultime recours face à l'indifférence des pouvoirs publics à la détresse des robes noires. “Le Conseil de l'ordre a dû recourir à une assemblée générale et engager un mouvement contestataire pour alerter l'opinion publique des difficultés, des entraves et des dépassements que connaissent les avocats dans l'exercice de leur mission”, a expliqué le bâtonnier. La volonté exprimée de prendre à témoin le citoyen des pratiques vexatoires et arbitraires visant le corps de la défense est motivée, selon lui, par le grave danger encouru par les justiciables, ces simples citoyens directement menacés dans leur droit à une défense juste et libre de toute contrainte. “Officiellement, on plaide pour un Etat de droit, pour l'indépendance de la justice, alors que, dans les faits, les droits de la défense sont piétinés et les avocats humiliés”, a dénoncé Me Selini. Mettant en exergue le comportement obséquieux de certains magistrats et des autres personnels assimilés au corps de la magistrature, l'orateur évoquera pêle-mêle l'arrogance de quelques juges qui se font le devoir de renvoyer les avocats à leurs livres de droit, les discréditent et les humilient lors des audiences publiques. “Des avocats se sont fait expulser des audiences par des policiers sur ordre des juges”, a-t-il révélé. Le président du barreau parlera aussi du mépris affiché à l'égard du droit à la défense. Il s'indignera du refus de certains magistrats d'accorder aux prévenus le temps de faire appel à un avocat, de rendre un jugement en l'absence de la défense, de programmer une audience sans prendre le soin de l'informer. Pis, de rendre des jugements cléments quand les avocats sont en grève… “On parle d'Etat de droit. Il n'existe pas à la cour d'Alger. Les présidents des tribunaux refusent souvent de recevoir dans leurs bureaux les avocats. A contrario, on veut instituer l'outrage, l'insulte et l'injure”, s'est plaint Me Selini. Du point de vue administratif, les entraves au travail de la défense s'apparentent également à du mépris. “Il faut quelques fois attendre six mois pour obtenir la copie d'un verdict, alors que la partie civile peut l'obtenir en moins d'une semaine. Il est quasiment impossible de se faire délivrer une troisième copie d'un dossier en instruction alors que la loi le prévoit. Les greffiers font la loi et s'arrogent le droit de renvoyer des avocats…”, s'est indigné le bâtonnier. Outre ce véritable parcours du combattant, l'avocat doit, selon Me Selini, faire face à une énième atteinte à sa liberté. A ce propos, il a mis en relief la volonté de la chancellerie de mettre le barreau sous sa tutelle, en le rattachant à une sous-direction administrative. Un projet que le Conseil de l'ordre rejette. Il en fera la mention lors de ses assises prévues les 25 et 26 juin. Ce rendez-vous sera aussi l'occasion de comptabiliser les dividendes de la grève. En cas de non-satisfaction des revendications exprimées, le barreau menace de paralyser tous les tribunaux du pays. S. L.