Nombreux sont les experts qui affirment que si rien n'est entrepris pour réduire la part de l'informel, l'Algérie va au-devant d'une “menace de l'équilibre socioéconomique”. Face à la flambée des prix, le gouvernement se devait, en effet, réagir ne serait-ce que pour affirmer aux yeux de la population la présence de l'Etat dans une situation qui est en train de prendre les allures d'une véritable crise. Cette présence allait donc se traduire par la décision de mettre en place un comité de veille ad hoc, dont la mission est de suivre au quotidien les tendances du marché. à en croire le gouvernement, le diagnostic est établi. Mieux, les raisons endogènes ayant participé à la hausse des prix ont été identifiées et sont progressivement prises en charge. Reste donc les raisons exogènes qui échappent, de l'aveu du gouvernement, à tout contrôle. Autrement dit, le problème reste entier et la mise en place d'un comité de veille relèverait, dirions-nous, de l'action psychologique. D'autant mieux que le seul levier qui va être actionné pour la stabilisation des prix sera celui de la subvention du pain et du lait. Et c'est peut-être là ce qu'on pourrait assimiler a une “vieille ruse” qui cache mal un aveu d'impuissance. Tant il est vrai que ces deux produits de base participent, par le seul effet d'annonce, à une flambée des prix où ils n'ont paradoxalement rien à voir. Car jusqu'à preuve du contraire, le litre du lait est toujours à 25 dinars et la baguette de pain encore à 7,50 dinars. À vrai dire, le gouvernement n'agit sur rien de concret si ce n'est de donner l'assurance que les prix du pain et du lait n'augmenteront pas quel que soit leur prix sur le marché international. Et à ce qu'on sache, ce qui intéresse le citoyen ici et maintenant, c'est de voir les prix des autres produits de large consommation qui ont littéralement explosé ces derniers temps revenir à la portée du porte-monnaie. La question qui se pose reste celle de savoir comment le gouvernement compte endiguer la pression inflationniste et juguler la saignée du pouvoir d'achat ? Et dire que pas plus loin que l'année dernière, le ministre de l'agriculture, Saïd Barkat, affirmait au forum de l'ENTV à propos des fruits et légumes que “l'Algérie vendait trois fois moins cher que le Maroc et la Tunisie”. Un tel avantage sur nos pays voisins n'était pas fortuit selon le ministre : “le PNDRA et le développement rural ne sont pas des opérations conjoncturelles mais une stratégie à long terme.” Qu'est-ce qui s'est passé alors ? Même l'importation de la pomme de terre en quantités impressionnantes n'a pas réussi à en baisser le prix. Apparemment, et pour s'en tenir au seul exemple de la patate, l'approvisionnement régulier et suffisant du marché ne garantit absolument pas la stabilité des prix. Non ! le problème est ailleurs. Il se trouverait peut-être dans l'absence de tout contrôle sur “les raisons exogènes qui sont en grande partie à l'origine de la hausse des prix”. Ces raisons exogènes, dont le gouvernement ne parle pas, restent pourtant identifiables, mais leur prise en charge ne peut être du seul ressort d'un comité ad hoc, encore moins d'actions conjoncturelles. Car en ce sens, il faut bien admettre que l'Etat s'est longtemps absenté de la réalité du commerce avec cette incapacité manifeste à jouer son rôle de régulateur, pour en laisser le monopole à des groupes privés, quasiment incontrôlables. C'est le prix qu'il est en train de payer à une économie parallèle qui continue de croître en toute impunité en influençant considérablement le marché ordinaire. les chiffres officiels sont là pour l'attester : ils sont au moins un million de personnes à activer dans l'illégalité totale. Le recensement des marchés informels réalisé par le ministère du commerce a permis de dénombrer 732 marchés informels d'une superficie globale de 2,7 millions de m2 et au sein desquels activent plus de 100 000 intervenants, soit près de 13% des commerçants inscrits au registre du commerce. à cet égard, nombreux sont les experts qui affirment que si rien n'est entrepris pour réduire la part de l'informel, l'Algérie va au-devant d'une “menace de l'équilibre socioéconomique”. Le processus d'intégration à l'économie mondiale impose à l'Algérie d'adopter de nouveaux comportements en rupture avec les méthodes anciennes, qui ne cadrent pas avec la réglementation commerciale internationale. De ce fait, l'Etat algérien a consenti, dans le cadre de l'adhésion à l'OMC, l'amendement et la promulgation de dizaines de lois et règlements pour que les transactions entre notre pays et l'étranger soient soumises aux règles internationales en vigueur. Autant dire que notre pays n'aura pas tout à fait les coudées franches. Zahir Benmostepha