L'ambassadeur syrien à Alger revient dans cet entretien sur les accusations américaines contre son pays. Liberté : Quel sens donnez-vous, Excellence, aux accusations répétées des Etats-Unis contre la Syrie ? M. Saïd Hammadi : Cette question appelle deux approches. D'abord, et comme vous le dites, le sens de ces menaces. Ensuite, les raisons qui ont poussé l'Administration américaine à s'en prendre à nous. Bien. Ces accusations sont évidemment infondées. Les Etats-Unis, qui ont mis (en 1986) la Syrie sur la liste des pays soutenant le terrorisme, prétextant qu'elle abrite des factions de la résistance palestinienne à Damas et qu'elle apporte de l'aide au mouvement de résistance national du Liban en lutte pour la libération du Sud-Liban, savent bien que nous n'avons soutenu aucune action terroriste. Du reste, la résistance libanaise contre l'occupation israélienne du Sud-Liban est légitime et reconnue par les conventions internationales. Les Etats-Unis ont même reconnu cette légitimité en 1996 lorsqu'ils ont signé avec la France et la Syrie le Pacte d'avril (1996) et pris part à la commission de ce Pacte au moment où Shimon Pérès s'apprêtait à commettre une boucherie. Quant aux factions de la résistance palestinienne en Syrie, elles ne sont en réalité que des bureaux d'information. Par ailleurs, la Syrie a été le premier pays à soumettre (1985) aux Nations unies la proposition d'organiser un congrès mondial sur le terrorisme. Et nous affirmons aujourd'hui encore notre opposition catégorique à ce phénomène. Ces accusateurs ignorent sans doute que la Syrie a fixé dans un code pénal, en 1949, une peine de dix ans d'emprisonnement, de travaux forcés ou de prison à perpétuité (en cas de mort) pour les crimes terroristes. Nous savons que le fait de mettre la Syrie sur cette liste d'Etats en soutien au terrorisme est l'œuvre d'Israël. Le terme “terrorisme” est d'ailleurs une création de l'Etat hébreu et non des Etats-Unis. La Syrie est aussi accusée de produire des armes de destruction massive… Justement. Mon pays a ratifié toutes les lois internationales interdisant la production d'armes de destruction massive ; en 1987, nous avons demandé au Nations unies de “nettoyer” le Moyen-Orient de ces armes, mais d'élargir la mesure à Israël. Or, nous constatons que ce pays, grâce au soutien indéfectible des Américains, refuse de signer la convention internationale relative à la destruction de ces armes. Israël possède des armes nucléaires, chimiques et biologiques et possède 200 têtes d'ogives nucléaires. Les Etats-Unis ont, durant leur agression contre l'Irak, protégé les installations nucléaires israéliennes par des missiles Patriot. N'est-ce pas là une violation flagrante des textes internationaux ? Les Américains soutiennent que votre pays héberge des scientifiques irakiens sur son sol. Est-ce vrai ? Les Etats-Unis veulent apparemment étendre la rupture des liens arabes à la rupture des liens de sang et la destruction des relations humaines entre frères. La terre est sacrée. En fait, nous pensons que le lobby sioniste que symbolise aujourd'hui le groupe du Likoud au sein de l'Administration Bush est derrière l'ensemble de ces accusations. Ce groupe détient le pouvoir de décision au profit du sionisme. Peut-être sont-ce des accusations qui tendent à mettre la pression sur la Syrie au vu de sa position dans la guerre contre l'Irak. Peut-être les plans de paix au Proche-Orient sont-ils visés, d'autant qu'en ce moment Bush, Powell et Blair évoquent l'instauration de la paix dans la région. Croyez-vous que les Etats-Unis adopteront la même stratégie avec la Syrie que celle contre l'Irak ? La Syrie est un pays de droit et de principes. Nos positions découlent de nos constantes nationales et patriotiques et des principes du droit mondial et de la Convention des Nations unies. Nous avons de tout temps affiché notre adhésion au multilatéralisme mondial. Partant de nos responsabilités nationalistes et de nos engagements internationaux, nous avons été aux côtés du peuple irakien au cours de cette guerre américano-britannique illégale et illégitime et aux côtés de l'opinion mondiale. Vos relations avec les Etats-Unis sont-elles bonnes en ce moment ? Nos relations avec l'Amérique doivent être bénéfiques aux deux parties. Mais nous remarquons qu'elles sont atteintes dès lors qu'Israël y mêle ses intérêts. Quelle était la nature des relations entre la Syrie et le régime de Saddam Hussein avant sa chute ? La Syrie a toujours rivalisé avec ce régime. De 1979 à 1997, les relations entre nous étaient coupées et les frontières fermées. En 1997, nous avons décidé d'ouvrir la frontière pour aider le peuple irakien. La Syrie s'est opposée à la guerre de l'Irak contre l'Iran (1980-1988) et contre l'invasion irakienne du Koweït (1990). L. B.