Le spectre du Fis n'est agité que lorsque le pays est à un tournant. Thème récurent dans la scène médiatique, le spectre du retour du FIS doit forcément obéir à une cuisine, même si elle est de mauvais goût. Le parti, dissous pour avoir mis le pays à feu et à sang, après avoir inséminer dans des esprits une idéologie totalement importée et en porte-à-faux avec ce qui est convenu de qualifier les constantes, ne s'invite pas au débat pour la galerie. D'autant qu'à chacune de ses tentatives, il est fermement rappelé que le verdict de sa dissolution est “sans appel”. Son bannissement est même inscrit en lettres d'or dans la Charte de la réconciliation nationale, laquelle a pourtant accordé tout le pardon aux acteurs de la décennie rouge, jusqu'au déni mémoriel. Pour les forces de sécurité et, à leur tête, l'ANP, la question du Fis a été, non seulement, tranchée mais, bel et bien, soldée. La lutte contre les derniers foyers du terrorisme se poursuit activement, jusqu'à son éradication, même si l'extinction de ses racines relève également d'autres thérapies. Celles-là d'ordre socioéconomique et sociopolitique, qui exigent un vrai projet de société reflétant les réalités nouvelles tant dans le pays que par rapport à ses ambitions dans le concert des nations. En outre, ce parti, qui fait couler tant d'encre, n'en demande pas tant, dès lors que ses ténors sont depuis longtemps aux abonnés absents. Il ne reste parmi ses historiques que le bouillonnant Ali Benhadj à faire entendre sa voix encore que, pur salafiste, il ne s'est jamais soucié du parti qu'il avait fondé avec Abassi Madani, lequel pantoufle dans une principauté du Golfe arabe, grâce à la générosité de son propre pays. Loin s'en faut, Benhadj n'a d'yeux que pour Al-Qaïda et ne rêve que de chaos pour les algériens. Pour comprendre cette insistance à remettre en selle le Fis, il faudrait analyser, de façon exhaustive, la marmite politique nationale. Pour faire court, il faut savoir que son spectre n'est agité que lorsque le pays est à un tournant. Apparemment, c'est à partir de milieux bâathistes que le Fis est revisité, bien que ces derniers n'ont plus d'atomes crochus avec l'islamisme que l'expérience, hier en Algérie, puis en Egypte et en Syrie et, aujourd'hui, en Irak, a montré indissoluble. Le FLN en a mesuré les effets. Il lui a fallu plus d'une décennie pour neutraliser ceux qui l'avaient infiltré ou qui, dans ses propres rangs, avaient retourné leur veste. Il n'y a pas de terrain d'entente entre nationalisme et islamisme, dès lors que ce dernier se définit à travers le prisme mythique de la oumma et de l'âge d'or de l'Islam. Même les partis islamistes institutionnels que sont le MNS, El-Islah et Ennahda, ne sont pas prêts à voir arriver sur la scène une formation qui leur taillera, d'une façon ou d'une autre, dans les croupières, même s'ils participent activement à cette fébrile agitation. Si on regarde du côté du Fis, sa vieille garde n'a plus le droit au chapitre, la plupart de ses membres s'étant redéployés dans les affaires. Il n'y a que l'ex-chef de l'AIS qui a espéré un rôle politique. Celui qui a signé la reddition de l'“armée” du Fis, a tout essayé, même à offrir ses services au plus vieux parti, comme il l'avait fait avant les législatives de mai dernier. Il s'était dépensé pour, en fin de compte, ne rien récolter. Il n'a pas pour autant baissé les bras puisqu'il semble vouloir rebondir avec les municipales de novembre. Mais, comme pour les précédentes tentatives, le pouvoir, par la voix la plus autorisée du ministre de l'Intérieur, lui a signifié que le Fis, c'est fini. En rappelant que tant qu'il sera à la tête de l'Intérieur, le FIS ne sera pas de retour, Yazid Zerhouni a rappelé aux lanceurs de ballons de baudruche que la décision est irrévocable, allant jusqu'à mettre sur la balance sa démission si une telle mesure venait à voir le jour. “Jamais, tant que je suis ministre l'Intérieur”, cette phrase est lourde de sens. Cela dit, personne ne s'est demandé ce qu'est advenu le fameux gisement électoral du Fis. Dans ses années de gloire, il n'avait été que de 3 millions et encore, dans les conditions qui lui étaient extrêmement favorables. L'Algérie de 2007 n'est pas celle de 1991. D. Bouatta