Pour l'avocat, défenseur des droits de l'homme, “nous ne ferons pas l'économie d'un débat national sur les principes de la plate-forme d'El-Kseur”. On continue à ce jour à discourir sur l'Etat de droit, comme sur un manque, alors que les droits de l'Homme, toutes générations confondues, sont plus que jamais ignorés. En Kabylie, ils ont été gravement violés par un Etat entièrement dissous dans les pratiques de pouvoir, faute d'être régi par des normes opposables à tous, gouvernants et gouvernés. Pour autant, il serait erroné de croire que la répression qui a frappé cette région a une quelconque “spécificité”. La Kabylie est logée à la même enseigne que le reste du pays. Simplement, elle est en avance, en matière de promotion des libertés citoyennes, d'où l'affolement du pouvoir et la violente répression du mouvement citoyen. C'est tellement vrai que la “gestion”, excessivement sécuritaire, du Printemps noir rappelle à s'y méprendre celle d'octobre 1988. Même débordement juvénile, même démesure dans la répression, même aveuglement d'un pouvoir incapable de répondre, dans un cas comme dans l'autre, aux aspirations légitimes de la jeunesse. La comparaison s'arrête là parce que le mouvement citoyen procède d'une démarche autrement plus positive qu'octobre 88, mais on est pris de vertige à constater qu'aucune leçon n'a été tirée d'octobre 88 à avril 2001, malgré tous les malheurs qui se sont abattus sur le pays, puisque nous avons eu à déplorer la même tragédie, à savoir des centaines de morts et de blessés. Il est vrai qu'entre un drame qui s'est produit sous le parti unique et celui qui a endeuillé la Kabylie et l'Algérie tout entière sous le multipartisme, le système n'a pas fondamentalement changé. Il a perdu de sa cohérence et entraîné dans sa régression des pans entiers de la société, quand d'autres résistent, comme le mouvement citoyen. Déjà, le Printemps d'avril 1980 avait imposé un débat de société sur les libertés publiques et individuelles. Nous ne ferons pas l'économie d'un débat national sur les principes qui inspirent la plate-forme d'El-Kseur. L'entrée de l'Algérie dans la modernité est à ce prix, tant il est vrai que la menace de la barbarie est loin d'être écartée. L'actualité internationale prouve que le pire est parfois possible. M. B.