Photo : S. Zoheir Par Hasna Yacoub Un tableau noir a été dressé, hier au forum d'El Moudjahid, sur le respect des droits de l'Homme en Algérie. Sur le thème «Droits de l'Homme et droit», des juristes algériens invités à cette table ronde sont arrivés à la même conclusion : «L'Algérie régresse sur la question du respect des droits de l'Homme.» Alors que les questions ont porté sur l'universalité des droits et leur respect par l'Algérie en général et sur les droits de l'individu en particulier, les intervenants ont axé leurs réponses sur des cas précis de non-respect des droits de l'Homme, réduisant le débat à sa plus simple expression. Me Rachid Bouali est ainsi revenu sur le cas de Habiba K., la jeune femme condamnée, en mai dernier, par le tribunal correctionnel de Tiaret à trois ans de prison ferme pour «pratique d'un culte non musulman sans autorisation». «C'est contraire à la loi», s'est révolté Me Bouali qui a tenu à préciser que «la liberté de la religion et du culte est garantie en Algérie. Il s'agit là d'une grave régression en matière des droits de l'Homme». L'avocat est revenu, pour illustrer ses dires, sur l'époque de l'Emir Abdelkader qui «a défendu les chrétiens en syrie. Le Maghreb a abrité les juifs d'Andalousie. Condamner une femme, en 2008, pour avoir exercé une religion autre que l'islam n'existe pas dans les textes juridiques et nous savons tous qu'il n'y a pas de peine sans loi». Donnant un autre exemple sur le non-respect des droits de l'Homme, Me Bouali est revenu sur la peine de mort qui n'est toujours pas abolie en Algérie : «Qu'a-t-on fait en Algérie ? Un moratoire. On condamne mais on n'exécute pas !» Aussi scandalisé que Me Bouali par la condamnation de Habiba K., Me Tahar Bentaleb, avocat à la cour, s'est, lui aussi, référé aux versets du Livre Saint pour rappeler qu'il n'y a «point de contrainte en matière de religion». Pour cet avocat, l'Algérie a ratifié la Déclaration internationale des droits de l'Homme et est dans l'obligation de la respecter. Me Chama, qui a participé également à ce débat, est revenu sur la peine de mort pour affirmer que le moratoire décidé par l'Algérie en 1994 n'a aucun fondement juridique : «L'Algérie est le seul pays arabe et musulman à s'être prononcé clairement en faveur de l'abolition de la peine de mort. Il est clair donc que le problème dans le pays n'est pas un problème de textes.» Mme Rassoul, la présidente du réseau des femmes juristes arabes, a proposé de dégager des pistes de réflexion afin d'améliorer la situation des droits de l'Homme en Algérie. Elle a commencé par exprimer des reproches aux institutions de l'Etat sur l'absence d'informations à même de permettre au mouvement associatif d'évaluer le travail réalisé par le gouvernement. Mme Rassoul propose, entre autres, à l'Etat d'aller vers la formation du personnel qui sera à même de prendre en charge les plaintes des femmes violentées. Elle propose, également, une plus grande célérité dans la promulgation des textes d'application pour les lois adoptées. Prenant, enfin, la parole, Me Belloula recentrera le débat en disant : «N'attendez jamais de l'Exécutif l'amélioration de la situation des droits de l'Homme en Algérie. J'ai suivi le débat et j'ai constaté que vous avez passé sous silence le rôle des associations auxquelles incombe ce rôle de promotion. C'est également aux ligues des droits de l'Homme de faire appliquer les textes de la Déclaration universelle. En Algérie, les ligues sont divisées. Quant à la Commission nationale de protection des droits de l'Homme [CNCPPDH], je le dis encore une fois, il ne faut rien attendre d'un fonctionnaire de l'Etat. Il faut rappeler que l'Algérie a eu un ministre des Droits de l'Homme. C'est à son époque que le déni d'audience a été décidé ! Mais, d'un autre côté, nous avons eu des ligues et qu'est-ce qu'elles ont publié ?»