Le gouvernement algérien a démenti avec une grande célérité cette information, qualifiée de “farfelue” par la porte-parole du gouvernement, Khalida Toumi. L'information fait l'effet d'une bombe. Selon un quotidien koweïtien, El-Anba', repris par l'agence de presse chinoise Xinhua, Taha Yacine Ramadhan et Mohamed Saïd Essahaf, respectivement vice-président et ministre de l'Information du régime déchu de Saddam Hussein, sont en Algérie depuis samedi. Citant des sources de l'opposition irakienne, le journal fait état de l'implication de l'ex-ambassadeur d'Irak à Alger, Awadh Fakhri dans l'organisation de cette fuite. Il évoque, par ailleurs, le rôle joué par des généraux de l'armée algérienne ainsi que des Français pour aider les deux dignitaires irakiens à rallier Alger. “Faux”, s'est aussitôt élevé le gouvernement algérien. Dans une réponse ferme, il a démenti la présence de Ramadhan et d'Essahaf dans notre pays. “Des sources officielles ne pouvant être remises en cause, l'Algérie affirme qu'elle n'a jamais ouvert et n'ouvrira jamais ses portes à de telles aventures”, révèle un communiqué officiel, largement diffusé par les médias publics. Intervenant sur les ondes de la Radio nationale, la ministre de la Culture et de la Communication et porte-parole du gouvernement, Khalida Toumi, a jugé “farfelue” l'information du journal koweïtien. Khalida Toumi a indiqué à cet égard que l'ambassadeur d'Algérie au Koweït est instruit pour apporter un démenti formel au “scoop” d'El-Anba'. Qu'est-ce qui fait donc courir ce quotidien ? Reçue comme un coup de poignard dans le dos, cette sortie médiatique singulière met sérieusement en cause la sincérité des liens d'amitié de l'émirat du Golfe avec notre pays. “L'Algérie, mue par son souci de préserver de solides relations historiques avec le Koweit frère, ne voit pas l'utilité de verser dans des accusations médiatiques ni avec les frères ni avec les amis”, souligne la mise au point du gouvernement. Gratuite, grave, de prime abord incompréhensible, l'accusation d'El-Anba' peut pourtant trouver un premier élément de réponse dans le profond ressentiment nourri par les Koweïtiens à l'égard de la position de l'Algérie durant la première guerre du Golfe en 1991. Celle-là même qui avait condamné l'offensive militaire contre l'Irak. Plus tard, le gouvernement algérien continuera, en dépit de l'embargo, à entretenir des relations privilégiées avec ce pays. Elle lui apportera une aide non négligeable dans le cadre du programme “pétrole contre nourriture” de l'Onu et défendra la levée des sanctions au sein des institutions onusiennes. A la manifestation des visées belliqueuses de Bush Junior, l'Etat algérien fera partie du groupe des pays opposés à une seconde intervention militaire et soutiendra le travail des inspecteurs en désarmement en Irak. Le démenti officiel à l'information d'El-Anba' rappelle cette position en indiquant que l'Algérie s'est conformée à la légalité internationale dans cette affaire et que sa position puise sa source dans celle de l'Union africaine, du mouvement des non-alignés, de la Ligue arabe, de la Conférence islamique, de l'Union européenne et de la majorité des membres des Nations unies. Si tant de pays ont fait valoir la même approche du problème irakien, pourquoi seule l'Algérie essuie-t-elle les foudres du Koweït et subit ainsi l'affront d'abriter des individus en fuite. Sur une liste de 52 dirigeants recherchés par l'armée américaine, Ramadhan et Essahaf figurent, en effet, en bonne position. L'un est numéro deux du régime déchu, l'autre s'est illustré durant cette guerre pour avoir donné l'illusion que Saddam n'abdiquera jamais. C'est dire l'importance de ces deux personnages ! L'annonce de leur présence en Algérie ne peut, de ce fait, passer inaperçue. Et l'Algérie devient ainsi l'asile de hors-la-loi. A qui profite cette publicité de mauvais goût ? Aux Koweïtiens sans doute, aux Américains peut-être ?! Comme le Koweït, la Maison-Blanche reprocherait à Alger de n'avoir pas cautionné son action militaire dans le Golfe. Irait-elle jusqu'à la compromettre avec des dirigeants irakiens en fuite pour lui faire payer son opposition à la guerre ? Tout dernièrement, un magazine américain,The Weekly Standard, a révélé que l'Algérie avait l'intention de fabriquer l'arme nucléaire. Certes, l'accusation n'est pas nouvelle, mais cette fois, elle coïncide avec la campagne militaire dans le Golfe. Les Américains ont-ils décidé d'intégrer l'Algérie dans l'“axe du mal” ? Pourtant, officiellement, les relations entre les deux pays semblent au beau fixe. Démentant toute velléité belliqueuse, le président Bouteflika a eu cette déclaration énigmatique lors de sa visite mercredi dernier au campus de Constantine. “Nous ne défions pas ceux qui sont plus forts que nous”, a-t-il dit. Invité le même jour au Forum El Youm, l'ex-Premier ministre Sid Ahmed Ghozali s'est également fait l'écho de cette appréhension étrange : “Nous sommes visés”, a-t-il soutenu. Pourquoi ? Il y a quelques mois, au moment où la deuxième guerre du Golfe n'était qu'une probabilité, le chef d'état-major, Mohamed Lamari, avait évoqué dans une interview à l'hebdomadaire français Le point l'éventualité d'un exil du président Saddam Hussein en Algérie. “Si le Président le décide, l'armée s'y conformera”, avait-il souligné. Or, à la date où ces propos ont été tenus, le dictateur irakien n'était pas activement recherché par les Américains. Cette fois, si. Aujourd'hui, une telle déclaration pourrait servir de prétexte à une accusation comme celle d'El-Anba' qui évoque l'implication de généraux de l'armée algérienne dans la fuite à Alger de Ramadhan et d'Esshaf. S. L.