L'ampleur des dégâts humains et matériels provoquée par les bombes utilisées dans les derniers attentats kamikazes du 11 décembre, ou encore dans celui perpétré le 11 avril contre le Palais du gouvernement, illustre autrement la gravité de la situation sécuritaire. En premier lieu, au regard des quantités impressionnantes d'explosifs utilisés par les groupes terroristes. En effet, à chaque attentat, il est question de l'utilisation de centaines de kilogrammes d'explosifs par les terroristes. Par exemple, dans le cas des deux attentats kamikazes du 11 décembre dernier à Hydra et Ben Aknoun, les services de sécurité évoquent des quantités qui avoisinent les 800 kilogrammes ! D'où la foultitude de questions qui viennent à l'esprit sur la facilité avec laquelle les groupes terroristes se procurent, stockent et acheminent sur de longues distances un volume aussi impressionnant que peuvent représenter 8 quintaux d'explosifs. Autrement dit le chargement d'un camion de petit tonnage. Pourtant, en matière de lutte antiterroriste l'Etat dispose d'une batterie de textes visant à réglementer le stockage, le transport, la production ainsi que la détection d'explosifs et avait pris des mesures drastiques de sécurité en matière d'explosifs, de détonateurs, de matériel servant à fabriquer des bombes et des armes à feu. Une batterie de textes et de mesures que l'Algérie n'a pas inventés puisqu'ils ont déjà été adoptés en Europe et aux Etats-Unis avec efficacité. Mais force est de constater que tous les efforts entrepris en ce sens dans notre pays ont montré leurs limites dans la capacité de priver les terroristes des instruments dont ils ont besoin pour leurs activités et réduire leurs possibilités d'entrer en possession d'explosifs. Si l'on concède le fait que les groupes terroristes arrivent à s'approvisionner à partir de l'immensité des frontières du sud du pays en armes et explosifs de la zone du Sahel, connue pour être un véritable réservoir en la matière, reste cette question de savoir comment les groupes terroristes arrivent à se faufiler à travers les mailles des filets des services de sécurité constitués de dizaines de barrages routiers pour parvenir jusqu'au nord du pays. N'est-ce pas qu'avec un volume qui ne ressemble en rien à un paquet cadeau qu'on peut dissimuler dans un recoin du véhicule et qui ne tient pas dans une boîte d'allumettes qu'on peut cacher dans un sac de voyage, les convoyeurs d'explosifs peuvent difficilement passer inaperçus. Même si on reconnaît volontiers qu'en matière de contrôle et de sécurisation des explosifs commerciaux l'Algérie a obtenu un certain succès grâce à un véritable quadrillage des lieux de production et de stockage, et la haute sécurisation du transport de ces matières explosives, ce n'est pas le cas pour ce qui est des explosifs de “fabrication artisanale”, composés de substances chimiques largement répandues dans le commerce informel. Sur ce chapitre, notre pays semble nager en plein brouillard. D'autant plus, faut-il l'avouer, que l'Algérie est complètement désarmée, surtout si l'on admet que la part de l'informel dans notre économie nationale occupe une place très importante. Dans certaines régions du pays, en effet, tout se vend, tout s'achète, pour peu qu'on mette le prix. Personne n'ignore en ce sens qu'un gros trafic d'armes, de munitions et d'explosifs se déroule aux frontières est du pays. Les wilayas de Oum el-Bouaghi et Tébessa avaient ces dernières années défrayé maintes fois la chronique, avec la découverte de quantités de poudre et autres matières pouvant entrer dans la composition d'explosifs qui se chiffrent en tonnes. Dans cette veine, rappelons le véritable coup de filet opéré par les services de sécurité à Aïn M'lila, il y a deux années, et qui a permis de mettre la main sur 300 000 cartouches et plusieurs tonnes de poudre qui avaient été importées de l'étranger dans des conteneurs censés transporter la pièce détachée. Ceci pour dire que si ces importateurs indélicats sont dans la capacité de ramener des cartouches pour fusils et de la poudre, ils sont autant capables de ramener des quantités impressionnantes de produits explosifs par le même canal. L'informel, un filon pour le terrorisme Les services chargés de la lutte antiterroriste sont en train de multiplier les initiatives pour couper l'herbe sous les pieds des terroristes. Des mesures ont été donc prises, suite aux conclusions des services de sécurité, concernant l'utilisation massive par les groupes terroristes du nitrate d'ammonium dans la fabrication des engins explosifs. C'est ainsi que la pénurie du protoxyde d'azote dans les hôpitaux du pays, nécessaire aux opérations chirurgicales trouve son explication. Etant dit que les nitrates d'ammonium sont utilisés comme matière première dans la production du protoxyde d'azote. Sa production, rappelons-le, a été soumise à autorisation des services de sécurité depuis octobre 2007. Seuls les CHU ont pu s'approvisionner toutefois en quantité réduite de ce gaz. Autre mesure, celle du ministère de l'Energie et des Mines relative à l'interdiction de vente des engrais jusqu'à nouvel ordre. On peut s'interroger sur l'efficacité d'une telle mesure dans la volonté de l'Etat à soustraire ces produits aux activités à caractère terroriste. Fatalement, on retombe dans la dimension informelle de l'économie nationale. Sachant par exemple que plus de 100 tonnes d'engrais sont utilisées chaque année par les agriculteurs et que presque la moitié est commercialisée par des circuits parallèles qui échappent à tout contrôle, il est donc tout à fait logique que l'Etat passe carrément à l'acte chirurgical en interdisant purement et simplement la vente de ces engrais. Reste à savoir si l'Etat reste la seule source d'approvisionnement des nitrates d'ammonium et de protoxyde d'azote ? L'on sait pertinemment que nombreux sont ceux qui s'approvisionnent aux pays voisins en grandes quantités de produits par le canal de la contrebande. Et quand on sait la connexion qui existe entre le terrorisme, la contrebande et le grand banditisme l'on peut supposer que si ces mesures peuvent peut-être réduire la marge de manœuvre des terroristes, elles ne peuvent pas les priver des moyens de leurs activités. Gageons que ces mesures extrêmes sont temporaires le temps de bien encadrer les circuits de distribution et de commercialisation. Car c'est le secteur de la santé et de l'agriculture qui sont en train actuellement d'en pâtir. Zahir Benmostepha