La chute de Romano Prodi en Italie survient dans un climat de défiance des Italiens envers leurs institutions, alimenté par le scandale des ordures à Naples, le regain de tension entre les partis politiques et l'interventionnisme du Vatican. Coïncidence du calendrier, l'Institut d'études politiques, Eurispes Gian Maria Fara, présentait le rapport annuel sur l'état de l'opinion en Italie, alors que le président de la République Giorgio Napolitano engageait ses consultations pour trouver une issue à la crise politique. Hormis le chef de l'Etat, respecté par 58,5% des citoyens, la cote des institutions est déplorable : 25,1% d'opinions favorables pour le gouvernement, 19,4% pour le Parlement, 14,1% pour les partis ! L'Eglise catholique elle-même passe pour la première fois sous la barre des 50% de bonnes opinions, avec une perte de dix points en un an. Le Vatican, d'habitude modéré, s'est invité dans le débat politique avec Benoît XVI, un conservateur, dont la tonalité s'est fait ressentir après l'annulation de sa visite controversée à l'université La Sapienza de Rome, le 17 janvier. Même la justice n'a pas échappé aux ressentiments des Italiens. C'est d'ailleurs le ministre de la Justice Clemente Mastella, un catholique centriste, bête noire de la gauche, mis en cause dans une affaire de corruption dans son fief de Campanie, qui est à l'origine de la chute de Prodi en démissionnant et en quittant la coalition au pouvoir. En outre, la justice a subi un désaveu cinglant par l'Assemblée régionale de Sicile qui a voté la confiance à son président Salvatore Cuffaro, condamné le 18 janvier à cinq ans de prison et à l'interdiction de toute fonction élective pour avoir renseigné des mafieux. Pendant que les entrepreneurs siciliens combattent le “pizzo” (racket mafieux), le gouverneur de la Sicile reste à son poste, s'est indigné le président du patronat italien, Confindustria. La chute du gouvernement est également intervenue sur fond de scandale à Naples où jonchent des milliers de tonnes d'ordures, une région mise en coupe réglée par la Camorra, la mafia napolitaine. Ce désastre des immondices est avant tout celui de la corruption des dirigeants de l'administration publique et de la criminalité privée, a commenté l'hebdomadaire romain l'Espresso. Pour revenir à la crise politique proprement dite, tandis que le président italien a entamé des tractations pour trouver une issue, la droite réclame à cor et à cris des élections anticipées. Silvio Berlusconi croit son heure revenue réclamant qu'il faut aller au vote avec l'actuelle loi électorale, sans aucune hésitation. Cette loi, à l'origine du départ de Prodi, permet à des petits partis ayant obtenu moins de 2% des voix d'entrer au Parlement, elle a rendu l'Italie ingouvernable comme l'ont montré les 20 mois du gouvernement de Romani Prodi, soumis à la pression constante et au chantage des 13 partis de sa coalition. D. B.