RESUME : Hadjer raconte à sa sœur sa rencontre de l'après-midi. Elle lui décrit Kamel et ne lui cache point qu'il lui plaisait au plus haut point. Ilhem la met en garde. Sa sœur joue un jeu dangereux... Les yeux de la jeune fille brillaient. Elle aspire une grande bouffée d'air, puis pousse un long soupir avant de répondre : - C'est injuste de rencontrer un homme de la trempe de Kamel et d'être en même temps liée à un homme qu'on n'aime pas. - Je te comprends fort bien cette fois-ci Hadjer, mais qui sait, peut-être que les choses finiront par s'arranger pour toi. - Oui, peut-être. L'espoir fait vivre comme on dit. Elles finirent par quitter leur chambre et allèrent dîner. Hadjer ne dira pas un mot de la soirée et sa mère la laisse en paix. Ses frères et son père avaient quand même remarqué son air maussade et mirent ça sur le compte de l'altercation qu'elle avait eue dans l'après-midi avec sa maman. “Hadjer est têtue, avait dit un jour son père, mais je suis encore plus têtu qu'elle.” C'est pour cela que le plus souvent après un orage avec sa maternelle, Hadjer préfère garder le silence. À qui pourrait-elle se plaindre d'ailleurs ? Qui va la comprendre ? Ses propres parents ont signé le parcours de son malheur, le reste devient futile. Elle aide Ilhem à faire la vaisselle, puis se terre dans sa chambre. Elle rêve les yeux ouverts un long moment, avant de plonger dans les bras de Morphée. Comme ce n'est pas dans ses habitudes d'avoir des insomnies, Kamel de son côté se demande pourquoi il n'arrive pas à trouver le sommeil. Il regarde l'heure et constate qu'il était déjà 2h du matin. Il se lève, allume une cigarette et se met à arpenter la pièce. Dehors, la pluie tombait sans interruption et le froid glacial l'incite à se remettre au lit. Il allume sa lampe de chevet et prend un journal, qu'il rejette cinq minutes plus tard. Il se surprend à penser à Hadjer et se demande pour la énième fois comment cette fille a pu avoir autant d'influence sur lui. Il revoit son visage jovial, mais ses yeux tristes ne lui avaient pas échappés. “Mon Dieu, se dit-il, se peut-il qu'il existe encore de nos jours de telles mentalités ?” Au fond de lui-même, il se sentit impuissant devant cette situation. Que pourra-t-il bien faire lui qui n'est encore qu'un étranger pour cette fille ? Il se met à réfléchir à une solution rapide et efficace. Et s'il lui proposait le mariage, consentira-t-elle à divorcer ? Et puis avant tout l'acceptera t-elle comme mari ? Lui plaît-il à ce point ? Il se rappelle qu'elle avait répondu du tac au tac à son compliment, et il n'en doutait pas de sa sincérité lorsqu'elle lui avait dit qu'elle le trouvait beau. Il esquisse un sourire et essaye de se rendormir. Un sommeil peuplé de cauchemars ne lui permet de se reposer que quelques heures. Il se réveille en sueur et se rappelle avoir rêver de Hadjer. Elle était en danger et courait vers lui les vêtements en lambeaux. Il se lève d'un bond et se rend dans la cuisine où il prend un verre d'eau. Voilà le jour qui commence à pointer. Sa mère se lève pour la prière du matin et le trouve accoudé à la fenêtre de la cuisine en train de taquiner les oiseaux. Il avait dans les mains quelques miettes de pain, qu'il s'amusait à faire passer à travers les grilles de la cage. - Déjà debout ! Tu n'es pas souffrant mon fils ? Kamel se retourne vers sa maternelle. Il doit avoir une véritable gueule de bois, se dit-il, en se passant la main sur les joues. - Non je ne suis pas malade mère. J'avais des insomnies cette nuit, voilà tout. - Ce n'est pas dans tes habitudes. Tu as toujours été un couche-tard et tu ne te réveilles qu'en milieu de la matinée. Fort heureusement tu travailles à ton compte, sinon qui aurait osé t'embaucher ? Kamel sourit. - Toi maman… Toi, tu m'aurais embauché pour te faire le ménage et la cuisine. - Cesse donc de taquiner ta pauvre mère de si bon matin. Tu veux que je te prépare un café ? - Oui, je veux bien. J'ai une de ces migraines ! - Va te recoucher. Cela te fera du bien, le temps que je te prépare une tasse de café bien corsé. Kamel embrasse sa mère sur le front. - Merci maman. Que deviendrais-je sans toi ? - Eh bien tu rejoindras tout simplement tes conquêtes, lui lance-t-elle ironiquement. À ces mots, Kamel se sentit bien diminué. Si sa propre famille a une piètre opinion de lui, s'il est déjà taxé de coureur de jupons, au quartier on doit le prendre pour un obsédé. Qu'a-t-il donc fait de sa jeunesse et de sa réputation ! - Pouah, je n'ai fait que courir les femelles depuis l'âge de dix-huit ans, se dit-il, en se dirigeant d'un pas traînant vers sa chambre. Y. H. (À suivre)