Echec de la conférence à Bagdad censée consacrer la réconciliation entre les factions politiques irakiennes rivales. Pourtant, cette fois-ci, la tentative s'est ouverte en présence du numéro deux le la Maison-Blanche, le vice-président Dick Cheney, qui a jugé remarquables les progrès accomplis depuis cinq ans sur les plans militaire et politique. Le principal groupe parlementaire sunnite, le Front de la concorde, et la faction parlementaire chiite se réclamant de l'imam radical Moktada Sadr, ont boycotté la réunion qui rassemble des centaines de personnalités politiques. Le boycottage de la conférence par deux importantes factions politiques irakiennes, alors que toutes s'étaient engagées à y participer, illustre l'extrême précarité du processus de réconciliation nationale que Maliki a affirmé être en bonne voie, révélatrice de l'échec des Américains. La guerre a coûté à ce jour 500 milliards de dollars aux Etats-Unis et fait près de 4 000 morts dans les rangs de leur armée. Le nombre de blessés parmi les GI's frôle les 30 000. Selon une étude de l'armée américaine, plus d'un soldat sur quatre souffre de problèmes mentaux à sa troisième ou quatrième affectation en Irak. Washington, qui estime que la sécurité s'est considérablement améliorée depuis l'envoi de 30 000 hommes de renfort il y a près d'un an, bien que l'on ait assisté depuis janvier à une recrudescence des attentats suicide, commence à admettre que l'Irak est devenu le théâtre d'engagement le plus lourd de son armée américaine depuis la guerre d'indépendance de 1775-83. Au Pentagone, des voix s'interrogent vivement sur la capacité des forces américaines, également engagées en Afghanistan, à livrer éventuellement une autre guerre majeure. Si un nouveau conflit venait à éclater, estiment de hauts gradés, il faudrait que l'US Air Force ou l'US Navy en assurent la plus forte part, parce que l'armée de terre, elle, est trop mise à contribution. Pour parer à cette éventualité, les effectifs de l'armée de terre ont été augmentés de 65 000 soldats d'active pour les porter à 547 000 soldats. Le corps des marines a lui aussi été élargi. Et pour réaliser ces objectifs, le Pentagone a dû abaisser les critères de recrutement. La guerre en Irak a d'ailleurs mis en échec toutes les stratégies envisagées par les tacticiens du Pentagone et dont la dernière a consisté en l'envoi à Bagdad de leur meilleur spécialiste de la lutte contre insurrectionnelle, le général David Petraeus, qui est au commande des forces d'occupation depuis l'an dernier. Avec l'appui de 30 000 soldats envoyés en renfort, le général Petraeus a sorti ses troupes de leurs bases pour “protéger” les Irakiens et contribuer à leur fournir des services de base. La stratégie n'a pas porté de fruits, la violence n'ayant pas reflué comme attendu et promis. Pourtant, le général qui doit incessamment présenter son rapport devant le Congrès, a développé le nouveau concept selon lequel l'armée américaine doit être davantage “nation-building”, soit édificatrice de nations, un thème longtemps tabou dans l'administration Bush. Le général a même révisé le mois dernier son manuel de lutte contre insurrectionnelle diffusée en décembre 2006. Petraeus prône la création d'un corps d'armée fort de 20 000 soldats spécifiquement affectés à la formation et à l'entraînement des armées des nations amies des Etats-Unis. “Nous devons être capables de construire et de protéger, mais nous devons encore bâtir l'armée locale qui pourra le faire pour nous”, tel est le résumé de la nouvelle stratégie américaine à l'étranger. De fait, le général n'a fait que reprendre la stratégie mise au point par Washington pendant la guerre froide et qui a même été couronnée de succès en Amérique latine durant le règne de ses généraux. D.B.