Le limogeage de Ali Benflis du gouvernement a délié les langues de ses contestataires au niveau de son parti. Plus d'une semaine après sa conférence de presse, le secrétaire général du FLN essuie des tirs de plusieurs députés de sa formation. Après Amar Saïdani et Saïd Barkat, c'est Wahid Bouabdellah, élu de Tlemcen, qui prend les devants de la contestation. Contacté hier, le parlementaire du FLN souligne qu'“il s'inscrit en porte-à-faux avec la dictature qui s'établit sur fond de corporatisme et de régionalisme au sein du parti”. “Avant, dira-t-il, il y avait des élections libres au comité central ; aujourd'hui, les mouhafadhs et les chefs de kasma sont désignés par le secrétaire général.” A la question pourquoi il n'y avait aucune voix discordante lors du déroulement du 8e congrès et pourquoi avoir attendu tout ce temps pour critiquer la gestion Benflis, Bouabdellah, qui estime qu'il a été “floué”, n'hésite pas à préciser que “tout s'était passé dans l'opacité”. Plus tard, le député de Tlemcen qui a signé une motion de soutien au secrétaire général du FLN, initiée par le groupe parlementaire du parti, laisse aussi entendre qu'il a été arnaqué une nouvelle fois. Il y a quelques jours, raconte-t-il, “Abbas Mekhalif (chef du groupe parlementaire FLN, ndlr) a reçu les députés un à un dans son bureau pour leur proposer la signature d'une pétition contenant une déclaration sur une feuille volante adaptée à la sensibilité de chaque élu”. Le texte a été paraphé par la majorité des parlementaires du FLN, soit, selon une source crédible, 191 sur les 199 élus du parti. “Je refuse le mépris”, déclare, en effet, Bouabdellah qui révèle que lui et 10 autres contestataires ont entamé, depuis hier, une procédure auprès du ministère de l'Intérieur pour refuser la validation des résultats du 8e congrès. “Avez-vous lu une déclaration de ma part qui évoque mon quelconque soutien au président Bouteflika ?”, interroge le député du FLN. Pour lui, son opposition à Benflis “ne s'inscrit pas dans l'optique de l'élection présidentielle d'avril 2004”. Ses critiques, tient-il à préciser, concernent “seulement la gestion du parti qui a consisté en l'exclusion des militants de Kabylie et de l'Ouest”. “C'est la même politique de l'exclusion qui a fait partir Mouloud Hamrouche, Taleb Ibrahimi, Abderrezak Bouhara et autres”, regrette le parlementaire du FLN. Ce dernier ne va pas avec le dos de la cuillère pour critiquer le secrétaire général de sa formation, “porté à la tête du parti par ceux-là mêmes qui ont destitué Mehri et Benhamouda”. “Ali Benflis doit nous expliquer ses positions”, estime le député de Tlemcen, avant de nous confier que “l'ancien Chef de gouvernement qui l'avait reçu à son bureau avant la tenue du congrès lui avait dit qu'il valait mieux soutenir notre frère Bouteflika pour un second mandat”. L'élu de Tlemcen, qui ne comprend pas le “revirement” de l'ex-chef de l'Exécutif, affirme que “celui-ci a eu des assurances pour semer la zizanie au sein du FLN”. Bouabdellah, qui affirme n'avoir aucun lien avec Saïd Barkat et Amar Saïdani, souligne : “Je n'ai été instruit par personne et je suis loin d'avoir un esprit revanchard.” Mais son histoire avec le FLN n'est pas tout à fait comme il la présente. Une source proche du parti et du groupe parlementaire révèle d'autres faits totalement en contradiction avec ce qu'il avance. D'emblée, notre source affirme que Ali Benflis qui l'avait, effectivement, reçu à son bureau un mois avant la tenue du congrès, mais au bout de sa cinquième demande d'audience, ne lui a pas tenu ce discours. Au contraire, c'est le député de Tlemcen qui lui a avoué son soutien en lui tenant ces propos : “Tu sais très bien que Bouteflika ne veut pas de moi !” Et le secrétaire général de répondre : “Soutenez le parti, pas moi.” C'est ainsi, indique la même source, que “Bouabdellah a obtenu le marché de la réalisation de tout les documents du congrès, le logo, les couleurs, les banderoles et toutes les autres brochures, pour un de ses amis”. Le député, qui nous a déclaré hier qu'il était “chez lui lorsqu'on l'a appelé pour se présenter au comité central”, avait même présidé l'une des commissions du huitième congrès. A propos de la signature de la motion de soutien à Benflis initiée par le groupe parlementaire du FLN, la même source affirme : “La déclaration était la même pour tous les députés. Mieux encore, Bouabdellah avait porté des modifications au texte initial.” Quant à la procédure entamée auprès du ministère de l'Intérieur, un responsable du parti ne manque pas de préciser que “10 signatures ne présentent rien devant les 1 500 militants présents au huitième congrès”. “De tous les opposants à Benflis qui sont actuellement à la tête des commissions au niveau de l'Assemblée dont Bouabdellah lui-même, personne n'a pris la décision de démissionner”, conclut notre source. S. R.