Liesse au Paraguay après la victoire de l'ex-évêque Fernando Lugo, candidat de la coalition de gauche, élu officiellement président, mettant ainsi fin à 61 ans d'hégémonie du Parti Colorado. Premier président du Paraguay à n'être pas membre du Parti Colorado aux commandes du pays depuis 1947, l'ancien évêque prendra ses fonctions le 15 août prochain. Les Paraguayens ont accueilli le virage de leur pays à gauche aux sons de klaxons et de détonations de pétards et de feux d'artifices. “Nicanor s'en va, Lugo a du cœur”, chantait ici la foule en se moquant du président sortant Nicanor Duarte. La dernière fois qu'une telle manifestation de liesse populaire s'était produite dans ce pays le plus pauvre de l'Amérique latine remonte à la chute du dictateur Alfredo Stroessner en 1989. Immédiatement après l'annonce des résultats officiels, Fernando Lugo a rejoint la foule en liesse dans le centre d'Asuncion où il lui a lancé : “Nous vous demandons de ne pas nous laisser seuls, la démocratie nous la ferons ensemble !” Le nouveau président, un curé de combat dans la tradition du catholicisme latino-américain, a promis qu'à l'avenir, le Paraguay ne sera plus simplement connu pour sa corruption et sa pauvreté mais pour son honnêteté. C'est la matrice de son programme. Lugo a également martelé : “Plus jamais on ne pratique de politique fondée sur le clientélisme et la prébende, qui provoquent tant de dommages.” Le Paraguay est, en effet, un pays complètement arrimé aux intérêts américains. Pour le sortir de ce piège, Lugo compte sur les autres Latinos-Américains avec lesquels il s'est déclaré prêt à travailler pour l'intégration réelle de la région et du sous-continent. Avec la victoire de la gauche au Paraguay, le marché commun régional du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay plus les pays associés, Chili, Bolivie et le Venezuela en cours d'intégration) ne compte désormais que des gouvernements de gauche. En fait, dans le sous-continent, seule la Colombie est encore entre les griffes de Washington. Lugo, surnommé “l'évêque des pauvres”, a renoncé à son sacerdoce en décembre 2006 pour conduire aux élections sa coalition, l'Alliance patriotique pour le changement (APC). Depuis, sa popularité n'avait cessé d'augmenter dans ce pays où un tiers des six millions d'habitants vit en dessous du seuil de pauvreté. D. Bouatta