Le pétrole s'attaquait hier au seuil de 130 dollars, dans un contexte où tout concourt à enflammer les prix : l'attitude de l'Opep, des nouvelles qui alimentent le sentiment que l'offre reste précaire, et en toile de fond, le spectre d'un épuisement plus rapide que prévu des réserves mondiales. L'emballement des prix de l'or noir semble ne jamais devoir s'arrêter. Après avoir touché les 100 dollars le 2 janvier, le baril de pétrole a collectionné les records et sauté une à une les barres de prix : 110 dollars le 13 mars, 115 dollars le 16 avril, 120 dollars le 5 mai, 125 dollars le 9 mai. Hier, les prix se sont propulsés à courte distance des 130 dollars, montant jusqu'à 129,60 dollars à New York et 127,90 dollars à Londres. Les cours ont ainsi plus que doublé en un an. Cette dernière flambée n'a pas été liée à une interruption majeure de la production, alors que fin avril, elle avait été amorcée par une grève en Ecosse et des sabotages sur les installations nigérianes du groupe pétrolier Shell. Cette fois, l'escalade des prix résulte plutôt du sentiment, partagé par une majorité d'opérateurs, que l'écart entre offre et demande se resserre dangereusement au fil des mois : alors que la demande ne cesse de progresser dans les pays émergents, l'offre peine à suivre, notamment chez les producteurs hors-Opep. Le marché fondait de grands espoirs sur la capacité des Russes à fournir au marché les barils réclamés par ces nouveaux consommateurs, Chine en tête. Espoirs déçus : depuis le début de l'année, la Russie a affiché une progression stagnante et un dirigeant de Loukoil a même prophétisé un déclin de la production nationale. Dans ce contexte, la tension du marché est entretenue par les nouvelles au goutte-à-goutte sur les perturbations de l'offre : l'arrêt d'une raffinerie américaine lundi, des perturbations dans le transport de pétrole en France mardi. L'attitude de l'Opep, qui rechigne depuis septembre dernier à augmenter son offre et persiste à imputer la flambée aux spéculateurs, aux insuffisances des raffineries américaines et aux “tensions géopolitiques”, a également entretenu l'envolée. Autre caractéristique de ce dernier mouvement : il touche les prix à long terme, les opérateurs tablant sur un pétrole très cher pour longtemps.