Sans complaisance et en homme de terrain doublé d'un diplomate aguerri, l'ancien bras droit de Kofi Annan, le SG sortant des Nations unies, met à nu les carences dans la protection des installations onusiennes à Alger avant l'attentat du 11 décembre 2007. Aboutissant à la conclusion que l'ONU doit “changer de culture” sur sa propre sécurité, le document rédigé sous la direction de Lakhdar Brahimi explique que l'organisation onusienne est devenue la cible de groupes extrémistes, tandis qu'une “partie croissante de l'opinion publique ne (la) perçoit plus comme étant neutre et impartiale”. Ce rapport a eu pour première conséquence la démission du responsable de la sécurité de l'ONU, le Britannique David Veness, mardi 24 juin. Quant à l'attentat d'Alger du 11 décembre 2007, revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb et dans lequel 17 membres du personnel avaient péri, l'ancien chef de la diplomatie algérienne partagera la responsabilité entre le siège de l'ONU à New York et le gouvernement algérien qui ont, selon lui, ignoré les mises en garde des responsables locaux de la sécurité de l'ONU. Ces derniers réclamaient notamment des barrières devant leurs bâtiments ou un déménagement dans des locaux plus sûrs. Le déménagement relevant des responsabilités du siège des Nations unies ne pouvait se faire à cause de l'absence d'un budget réservé à cet effet par les services de Ban Ki-moon. On apprend que des recherches ont été effectuées pour acquérir des locaux du côté de Bab Ezzouar et Ben Aknoun, mais les prix élevés de l'immobilier à Alger ont fait échouer l'opération. Il appartient à l'ONU de mettre le prix pour trouver un siège à sa représentation en Algérie répondant à ses critères. Le rapport indique que fin novembre, un haut responsable de l'ONU avait prévenu le siège qu'une “catastrophe à Alger n'était qu'une question de temps”, et que de leur côté, les services de sécurité algériens avaient “relâché leur état d'alerte”. Le document affirme que l'ONU a “amélioré sa sécurité de manière significative”, après l'attentat contre le siège de l'ONU à Bagdad qui avait fait 22 morts en août 2003. Néanmoins, Lakhdar Brahimi estime que le système reste “passif” dans sa réponse aux menaces et manque de ressources financières et techniques. L'ONU n'a pas les moyens suffisants pour assurer convenablement la sécurité de ses 140 000 civils déployés dans plus de 180 pays surtout que depuis plus de dix ans, Al-QaIda considère l'ONU comme une cible légitime. Pour rappel, en 2004, la nébuleuse de Oussama Ben Laden avait mis à prix la tête du secrétaire général Kofi Annan et de Lakhdar Brahimi, pour dix kilogrammes d'or. Selon Lakhdar Brahimi, beaucoup considèrent aussi que l'ONU, en barricadant ses installations comme des “forteresses”, risque de se couper des gens qu'elle doit servir. Il explique pourquoi “une partie significative” du public estime que “les Nations unies sont devenues l'instrument d'Etat membres puissants pour poursuivre des programmes servant leurs propres intérêts”, qu'ils soient décrits comme “pro-occidentaux” ou “anti-musulmans”. Au passage, il n'a pas manqué de faire référence aux enquêtes d'opinion et des signes plus anecdotiques dont le sondage d'opinion de la chaîne de télévision Al Jazeera, dans lequel 54% des téléspectateurs estimaient que l'attaque terroriste d'Alger était justifiée. “Il y a des décisions et des déclarations-clés, en particulier sur le Proche-Orient, qui sont perçues comme ignorant les principes mêmes sur lesquels l'organisation est fondée”, affirme Lakhdar Brahimi en faisant allusion à la protection offerte par Washington à Israël contre toute condamnation au Conseil de sécurité de l'ONU sur les dossiers palestinien ou libanais. À partir de là, il suggère au Conseil de sécurité de faire la preuve de son impartialité. K. ABDELKAMEL