À l'ouverture du sommet de l'UPM, Sarkozy s'employait d'abord à récolter les avances symboliques. En attendant la déclaration du sommet de Paris, il aura pu se féliciter d'avoir imposé la normalisation diplomatique de la Syrie. L'accueil, décrié, qu'il a réservé à Bachar El-Assad était, pour Sarkozy, le prix à payer pour se poser en “messager de la paix”. Malgré cet empressement, le président syrien, qui a fait la concession d'une “normalisation” diplomatique avec le Liban et se dit prêt à des relations “normales” avec Israël, n'envisage de négociations directes avec Israël qu'après… les résultats des élections américaines. D'autres petites phrases, comme celle d'Olmert qui dit qu'Israéliens et Palestiniens n'ont jamais été “aussi proches d'un accord” de paix, renforcent, cependant, l'image de moment de paix que revendique ce sommet. Si la question palestinienne et du Moyen-Orient n'a pas trop chahuté l'inauguration de l'UPM, bien au contraire, le président français n'aura pas trop réussi là où il devait réussir : emballer ses plus proches voisins du Sud. Parmi les pays du Maghreb, et si l'on excepte la Mauritanie, méditerranéenne “par destination”, comme diraient des juristes, la Tunisie seule aura réagi sans ambages au projet de l'Elysée. La Libye a défié le projet et l'absence du roi du Maroc, remplacé par son frère, ne peut être le fait de la seule surcharge d'activités de Mohammed VI. Le président algérien, qui a réservé sa décision jusqu'au dernier moment, ne montre pas un entrain particulier. Au contraire, pour la première fois, il dévoile, dans un entretien à l'agence de presse officielle, ses appréhensions quant à la pertinence du projet méditerranéen reformulé en projet d'Union pour la Méditerranée. Ainsi étendu à l'Europe entière communautaire, il perd, selon Bouteflika, de sa cohérence méditerranéenne ; il perd aussi de la clarté stratégique du processus de Barcelone, même si, pour d'autres raisons, celui-ci ne fut pas une réussite. Cet élargissement vers le Nord ne manquera pas de compliquer la décision de l'UPM, surtout que celle-ci devrait se contenter d'une existence institutionnelle apparemment réduite. Si les projets de l'Union ciblent des domaines caractérisés par l'urgence, comme la dépollution de la mer, et expriment le souci de concrétiser un besoin de solidarité, comme la prévision des catastrophes naturelles, le mode de libération des moyens financiers nécessaires n'est pas encore envisagé. Hormis cela, l'UPM pourrait n'être qu'un “processus de Barcelone bis”, comme envisagé par Angela Merkel. “Le monde ne sera pas changé par cette réunion aujourd'hui”, a estimé le ministre suédois des Affaires étrangères, avec le réalisme qu'on peut avoir quand on regarde le projet à partir de la Scandinavie. La Méditerranée restera encore longtemps, pour l'Europe, une frontière sous haute surveillance. Les progrès de l'Europe, d'un côté, conjugués à la panne de la rive sud, de l'autre, constituent l'hypothèque d'un quelconque projet de Méditerranée. Les phrases symboliques notées, la fête passée, il faudrait être sûrement patient avant de pouvoir apprécier la réalité d'une Méditerranée politique. M. H. [email protected]