Stricte division du travail : d'abord, les ministres signent des contrats dans des domaines inédits et stratégiques, même si leurs contenus ne portent que sur l'amélioration de la compétence scientifique et technique des personnels concernés ; ensuite, le Chef du gouvernement pose les questions sur les visas, sur le Sahara occidental, sur l'adhésion à l'OMC… Fillon y aura patiemment répondu, s'efforçant de dissiper avec les moyens du bord les soucis algériens. Troisième séquence : il restait au Président de trancher la question de sa participation au sommet fondateur de l'UPM, le 13 juillet à Paris. On ne peut pas dire que la visite de François Fillon s'est déroulée dans une ambiance qui dénote, de la part d'Alger, plus de disponibilité que prévu. À Paris, Nicolas Sarkozy n'a pas le droit à l'échec. À l'intérieur, il n'a pas pu contenir la baisse du pouvoir d'achat et il s'est créé un nouveau front avec les syndicats qui l'accusent de vouloir en finir avec la pratique du dialogue social. Si l'on ajoute la grogne des enseignants et des élèves, la rentrée sociale a peu de chances de s'avérer sereine. En Europe, il n'a pas pu sauver “son” traité de Lisbonne. Et d'ici la prochaine réunion, en octobre, il n'y aura rien de nouveau à ce sujet, sinon un probable “non” tchèque, parlementaire qui plus est celui-là. Le président français ne peut se permettre de rater le 13 juillet. Ses soucis viennent de la rive sud. La véhémente récusation du projet par El-Kadhafi, si elle est justement tempérée dans son impact par l'impétuosité de notoriété publique du “Guide”, ne doit pas faire des émules. Après le forfait de la Libye, l'engagement officiel du Maroc, de la Tunisie et de l'Egypte, l'Algérie reste seule, sur la rive africaine de la Méditerranée, à entretenir le suspense sur sa participation à la rencontre de Paris. Sur la rive est, l'affaire est bouclée avec la participation, tout de même polémique, de Bachar El-Assad. Mais quelle condition sera réservée aux Palestiniens dans cette union conçue par la France, revue par l'Allemagne et assumée par l'Europe “pour” les Etats de la Méditerranée ? Le “flou” du contenu de l'UPM, présenté comme principale raison de l'indécision algérienne, renvoie à la question des arrière-pensées politiques que sous-tendent le projet. L'appréhension ne concerne pas son contenu en termes de coopération. De l'UMA au processus de Barcelone, en passant par le Nepad, nous avons l'habitude de ces vaines entreprises ; l'activisme multilatéral stérile couvre l'indigence de la coopération d'Etats. Le “flou” concerne donc plus probablement le statut d'Israël et le traitement des Palestiniens par le projet. L'hypothèque de l'impasse interpalestinienne ajoute à la complexité conceptuelle du projet Sarkozy. Associer Israël et des Etats arabes dans une entreprise de coopération de nouveaux Etats qui, jusque-là, résistaient aux pressions occidentales dans ce sens, sans obligation de progrès dans le processus de paix israélo-palestinien : voilà qui constitue une avancée inespérée dans la normalisation israélo-arabe. L'Algérie attend peut-être de Sarkozy, “l'ami” d'Israël, qu'il intègre la préoccupation palestinienne dans sa vision de la construction euro-méditerranéenne. En a-t-elle les moyens ? M. H. [email protected]