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Les liens entre la logique rentière et la sphère informelle ou la problématique de la dérégulation (II)
Publié dans La Nouvelle République le 16 - 04 - 2011

Cette période est caractérisée par une libéralisation des prix et la levée du monopole de l'Etat sur le commerce extérieur, ce qui explique pour beaucoup les changements qui ont lieu dans l'économie informelle, changements sans la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation dans la mesure où, en économie de marché, la fonction de l'Etat régulateur est stratégique.
Cette période est caractérisée par une libéralisation des prix et la levée du monopole de l'Etat sur le commerce extérieur, ce qui explique pour beaucoup les changements qui ont lieu dans l'économie informelle, changements sans la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation dans la mesure où, en économie de marché, la fonction de l'Etat régulateur est stratégique. Ce qui explique que l'ouverture anarchique avec une tendance du passage d'un monopole d'Etat à un monopole privé beaucoup plus néfaste a donné lieu à de nouvelles pratiques informelles. Avec la consécration de la convertibilité commerciale du dinar en 1994, les sociétés d'import-export ont ainsi commencé à connaître une prolifération, la majeure partie de ces sociétés ayant été créées soit par des détenteurs de capitaux ou par d'anciens cadres du secteur public en quête de placements à gains à très court terme. Faute d'institutions solides s'adaptant à la nouvelle situation, car le contrôle s'avère de peu d'efficacité, sinon il faudrait une armée de contrôleurs avec des coûts faramineux, nous assistons à une multiplication des petites activités informelles se concentrant surtout dans le petit commerce et les services, comme mode de survie dans un marché de l'emploi en crise. A cet aspect, se sont greffés la fraude fiscale, la corruption et les détournements de fonds publics. 3) Troisièmement, quel est le poids de la sphère informelle? En matière d'emploi, la part qui revient à l'économie informelle, d'après le bilan du CNES établi pour l'année 2004, est de 17 % de l'emploi total, soit quelque 1.300.000. Sur ce chiffre, 35 % reviennent à l'activité commerciale non déclarée et le taux de la population exerçant dans le secteur informel s'accroît annuellement d'environ 8 % selon la même source, ce qui nous donnerait en 2009 le taux annoncé récemment par le ministère du travail de plus de 25 % de la population active avec une contribution dans la formation du produit intérieur brut hors hydrocarbures de 20 à 25 %. L'Office national des statistiques (ONS) a par ailleurs mis en relief, le 20 juillet 2010 après une enquête du second semestre 2009 selon laquelle la moitié de la population occupée n'était pas affiliée à la sécurité sociale au quatrième trimestre de l'année dernière, soit un taux de 50,4% de l'ensemble des travailleurs occupés. Et que 69,1 % des salariés non permanents et 80,1 % des travailleurs indépendants n'étaient pas affiliés à la sécurité sociale durant la même période. Plus précisément, sur les 9 472 000 travailleurs occupés recensés, 4.778.000 ne sont pas affiliés au régime de la sécurité sociale, soit un occupé sur deux. La proportion des occupés du monde rural qui ne sont pas affiliés à la sécurité sociale représentante 60,1 %, tandis qu'elle est de 46,3% dans le monde urbain. Concernant justement l'évasion fiscale due à la sphère informelle, il y a plusieurs estimations contradictoires. Pour l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), dans une déclaration du 19 mai 2009 reproduite par l'agence officielle APS, le manque à gagner induit par l'évasion fiscale dans les transactions commerciales en Algérie dépasse 200 milliards de dinars annuellement, soit au cours actuel 2,6 milliards de dollars, une différence de taille, tout en précisant que 8% des transactions commerciales se font sans aucune facturation, alors que 70 à 80 % des transactions se font cash. Et que près de 900 000 sur les 1,2 million de commerçants inscrits au CNRC ne payent pas leurs cotisations à la Casnos et que l'approvisionnement des deux tiers de la population provient de la sphère informelle. A travers l'ensemble du territoire national, toujours selon cette institution, il y a environ 1,25 million de commerçants qui exercent dans la sphère légale et le nombre de ceux qui travaillent dans la sphère informelle est estimé de prés 1,5 million, plus de 50 % du marché algérien est occupé par le secteur informel et plus de la moitié du chiffre d'affaires des activités commerciales échappe au Trésor public, contrôlant environ 40 % de la masse monétaire en circulation hors banques, avec une intermédiation financière informelle limitant la politique monétaire globale de l'Etat, mais beaucoup plus si l'on inclut les transactions en nature et l'on soustrait la rente de Sonatrach. Cela a un lien avec la corruption. 4) Quatrièmement, la sphère informelle et la politique socio-économique La lutte contre la mauvaise gestion et cette corruption qui se généralise et tendant à être socialisée implique avant tout l'efficacité des institutions et une moralisation de la pratique des structures de l'Etat au plus haut niveau, niveau de dépenses en contradiction avec les pratiques sociales malgré des discours moralisateurs, avec cette montée de la paupérisation qui crée une névrose collective. C'est seulement quand l'Etat est un Etat de droit Quant à l'Etat de droit, ce n'est pas un Etat fonctionnaire qui gère un consensus de conjoncture ou une duplicité provisoire, mais un Etat fonctionnel qui fonde son autorité à partir d'une certaine philosophie du droit, d'une part, et par une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d'une vision future de ses perspectives, d'autre part. Dans ce cadre, la sphère informelle en Algérie est favorisée par l'instabilité juridique et le manque de visibilité de la politique socio-économique. Les entrepreneurs, qu'ils soient nationaux ou étrangers, demandent seulement à voir clair, du moins ceux qui misent sur le moyen et long terme (investissement inducteurs de valeur ajoutée contrairement à l'importation solution de facilité). Or ils sont totalement désemparés face aux changements périodiques du cadre juridique, ce qui risque de faire fuir le peu de capitaux surtout en cette période de crise qui montre le rapatriement massif vers les pays d'origine et orienter les nationaux vers la sphère informelle. Que nos responsables visitent les sites où florissent l'informel de l'est à l'ouest et du nord au sud et ils verront que l'on peut lever des milliards de centimes à des taux d'usure mais avec des hypothèques car il existe une intermédiation financière informelle. Le gouvernement ne peut empêcher cette pratique, expliquant l'abandon d'exiger un chèque pour un montant supérieur à 500.000 DA, mesure qui devait être appliquée à compter du 02 avril 2011, en rappelant que cette même mesure a achoppé en 2007/2008 avec l'exigence d'un chèque pour 50.000 dinars. Les mesures autoritaires bureaucratiques produisent l'effet inverse et lorsqu'un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation sociale, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s'éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer : pour exemple, les transactions aux niveaux des frontières pour contourner les myopies des bureaucraties locales, agissant sur les distorsions des prix et des taux de change et le droit coutumier dans les transactions immobilières. On ne peut isoler la sphère réelle de la sphère monétaire, le cours du dinar sur le marché parallèle en ce mois d'avril 2011 dépassant 145 dinars un euro vu la crise mondiale, l'épargne de l'émigration ayant été affectée (diminution de l'offre), n'explique pas tout, l'explication essentielle étant le grossissement de la sphère informelle (accroissement également de la demande). Le constat est donc amer pour les petites bourses. En l'absence de mécanismes de régulation et de contrôle, les prix des produits de large consommation connaissent, comme de coutume, notamment à la veille de chaque fête, des augmentations sans précédent, les discours gouvernementaux et les organisations censés sensibiliser les commerçants ayant peu d'impacts car prêchant dans le désert, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques. (A suivre) Abderrahmane Mebtoul Voir sur Internet ..

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