A l'exception des plages de Sidi Salem (El-Bouni) et des Sables d'Or à la baie Ouest de Chetaïbi, une commune quelque peu éloignée du chef-lieu de wilaya, celles de la corniche d'Annaba sont quotidiennement squattées. Affirmant être bénéficiaires d'une décision communale leur conférant un droit de concession, des individus regroupés en bandes organisées se sont approprié la moindre petite parcelle de sable des plages autorisées à la baignade, notamment Rizzi Amor et Fellah Rachid, très convoitées par les familles du fait de leur proximité avec le milieu urbain. Autoproclamées loueurs de parasols, tables et chaises, ces bandes, majoritairement composées de jeunes parfois délinquants ou repris de justice, hantent tout le littoral pour s'y installer avec leur matériel dès le premier jour de la saison estivale. Tout en chassant insidieusement les familles et autres estivants venus avec le nécessaire pour assurer leurs commodités, elles imposent la location de parasols, tables, chaises et même de maillots de bain d'une propreté plus que douteuse. Cette décision communale, que ces bandes affirment posséder au titre d'une concession leur permettant d'exploiter toute ou une partie de la plage, existe-t-elle vraiment et si c'est le cas, que spécifie-t-elle en termes de droits et devoirs du concessionnaire ? «A ce jour, l'Assemblée populaire communale de Annaba, que je représente en ma qualité de vice-président, n'a pas délivré une seule décision de concession ou même une autorisation d'exploitation d'une quelconque plage sous notre compétence territoriale. Mieux encore, le wali de Annaba et le président de l'APC du chef-lieu ont, chacun en ce qui le concerne, signé un arrêté interdisant ce type d'exploitation des plages», a indiqué M. Tayeb Sahtouri, vice-président de l'APC de Annaba chargé de l'urbanisme et des travaux communaux. La même situation d'occupation, de jouissance et d'exploitation est relevée au niveau de la plage du Belvédère que d'aucuns qualifient de plage privée. Un statut qui reste à confirmer car, tant du côté des Domaines de l'Etat, de la commune et autres structures compétentes, on affiche clairement son scepticisme. Mieux, on répond que la gestion de ce dossier du Belvédère a été constamment entourée de flou car de gros intérêts financiers sont en jeu. Pour d'autres, ce dossier est à la charge de la direction du tourisme, seule compétente en matière de procédure de concession. Pour accéder à cette plage du Belvédère distante de quelques dizaines de mètres de celle de Refes Zahouane et tout aussi squattée, chaque baigneur doit s'acquitter de 200 DA au titre de droit d'entrée. Ce droit ne permet pas d'amener dans son sac ou dans les poches le nécessaire pour s'alimenter ou se désaltérer. Sur cette plage, tout est commerce. Aux prix du parasol, des tables et des chaises, le client doit prévoir également le nécessaire en billets de banque pour se restaurer ou se désaltérer à fort coût dans l'un ou l'autre des deux restaurants privés qui seraient les seuls bénéficiaires de la concession de cette plage depuis des années. Qui leur a accordé ce privilège et pourquoi ? A cette question, le vice-président de l'APC de Annaba répond par un «je donne ma langue au chat». Et de préciser toutefois : «En ce qui concerne la plage du Belvédère, que l'on affirme être privée, il s'agirait certainement d'une gestion d'un patrimoine de l'Etat dans le cadre d'un statut particulier. En tout cas, elle n'est pas de la compétence de notre APC». Mais quelle est donc cette institution de la République dont le responsable se permettrait d'accorder annuellement une concession d'un bien des domaines publics sans respecter la réglementation en la matière ? S'agirait-il d'une décision similaire à celle qui, depuis l'indépendance à ce jour, permet à un commerçant de gérer en location pour un montant symbolique de 70 000 DA par an, l'un des plus beaux restaurants hérités de la période coloniale ? Cet établissement implanté à la pointe est de la corniche de Annaba, s'est avéré être une propriété de la commune. Propriétaire de droit, certes, mais, face à une force occulte qui tire les ficelles, les responsables de la structure communale compétente sont dans l'incapacité de prétendre réviser le montant de la location. Pire, ils n'ont même pas un droit de regard sur ce bien qui est partie intégrante du patrimoine public. Cependant, il n'y a pas que les plages à être squattées. Les routes et les chemins qui leur sont proches et qui mènent vers les sites de baignade et les aires de stationnement le sont également. Mines patibulaires, gourdins et armes blanches y sont en nombre pour imposer un droit de stationnement à quiconque s'arrête. Sous peine de voir son bien dégradé ou lui-même agressé pour avoir refusé, tout automobiliste est dans l'obligation de payer une dîme.