La mendicité est un phénomène qui fait aujourd'hui partie du décor quotidien, notamment au sein de la capitale. Lorsqu'on arrive de Tafourah, on remarque qu'il y a une prolifération de mendiants tout le long des rues principales comme dans les venelles de la ville. Ils sont assis à même le trottoir, ou devant les magasins, si ce n'est à proximité des mosquées et y compris dans les bus où les voyageurs sont accostés par des personnests d'apparence banale de tout âge et des deux sexes. Même les automobilistes au niveau des carrefours pendant l'immobilisation de la circulation n'échappent pas à ces individus qui tendent la main. «Ya khoya, aide une femme faible comme moi, Dieu te le rendra !» supplie une voix implorante une femme avec une ordonnance dans les mains. A un autre automobiliste, elle dira : «Pitié pour une pauvre femme qui a peut-être l'âge de ta mère, et qui est malade». Le chauffeur, visiblement géné, quoique mécontent par les satanés problèmes de la circulation, décide finalement de lui glisser une pièce d'argent dans la main. La dame se dirige vers une autre voiture et raconte les mêmes bobards avec les mêmes lamentations. En sillonnant les rues de la capitale, on rencontre plusieurs catégories de mendiants dont un grand nombre seraient des infirmes. Ce sont en général des malades mentaux, des enfants, des vieux, des handicapés, ainsi que des femmes traînant derrière elles leurs petits enfants bien portant. N'hésitant devant rien pour exhiber leur misère et susciter l'émoi dans les cœurs sensibles, ces personnes sont sans nul doute des mendiants qui ont l'air d'être en bonne santé et relativement bien vêtus, comme certaines femmes bien habillées et souvent bien maquillées demandant à être dépannées pour prendre un taxi, ou alors le métro. On a de la peine à distinguer les vrais nécessiteux des mendiants professionnels, puisqu'il arrive dans les marchés que les clients stationnant devant une boucherie se voient demander un kilo de viande. Il paraît que certains mendiants s'adonnent à la revente des produits qui leur sont offerts par l'épicier ou le boucher du coin. Ce système tend à se généraliser. Questionnés au sujet de la mendicité, les citoyens ont des avis mitigés. Certains n'hésitent pas à qualifier la plupart de ceux qui demandent l'aumône de «mendiants professionnels», profitant de la générosité des uns et des autres. «J'ai beaucoup de doute au sujet des mendiants. Je préfère plutôt donner de façon rationnelle aux personnes qui sont véritablement dans le besoin et que je connais», affirme une jeune femme que nous avons questionnée. De nos jours, le fait de tendre la main aux gens et de leur demander de l'aide est devenu un véritable métier. C'est le cas de la petite Houda, âgée de 12 ans, rencontrée devant une boutique à Alger-Centre : «J'exerce ce métier depuis l'âge de 5 ans. Je viens souvent ici. C'est le seul moyen pour moi d'aider ma mère et mes deux petits frères. Même si je ne gagne pas beaucoup d'argent, je suis satisfaite». La mendicité est ainsi un fléau social qui prend de l'ampleur dans nos villes, et est désormais un véritable métier pour certains qui utilisent divers stratagèmes, et pas mal d'astuces pour attirer l'attention des personnes sensibles. Cependant il ne faut pas oublier qu'il y a tout de même ceux qui tendent la main pour subvenir aux besoins de leurs enfants. La mendicité date depuis la nuit des temps, d'autant que depuis la décennie noire où la crise économique avait fait des ravages en terme de pertes d'emploi, suite à la fermeture d'usines qu'avait décidé par un plan structurel du Fonds monétaire international, beaucoup d'Algériens ont traversé des temps critiques. De plus, le terrorisme a également poussé des familles entières à fuir leurs villages, et à se réfugier dans les grandes villes, s'installant la plupart du temps dans des bidonvilles et œuvrant souvent dans le marché noir. Une enquête diligentée par un institut spécialisé devrait apporter pas mal d'éclaircissements sur un phénomène désolant d'autant qu'il n'existe aucune étude, ni statistique sur la mendicité qui, pour les uns est un fléau social et pour d'autres, un moyen d'enrichissement. Quelle que soit l'opinion des uns et des autres, la mendicité est un facteur dégradant pour l'individu et la société où il évolue.