Tous les pays ayant connu des changements dans le sillage du «printemps arabe» se trouvent aujourd'hui confrontés à un phénomène identique. De la Tunisie à la Syrie, en passant par la Libye et l'Egypte, des attentats terroristes attribués à des groupes islamistes rythment la vie politique de ces pays, pendant que la classe politique se débat dans des luttes de pouvoir qui poussent peu à peu à la guerre civile. En Tunisie, tout le débat politique est réduit à la lutte contre le terrorisme, et toute la classe politique, à commencer par le parti au pouvoir (Ennahda), s'accorde à dire que l'activisme des salafistes constitue la plus grande menace contre la stabilité du pays. La situation en Libye est plus problématique, du fait de la mainmise des milices armées, aux mains des extrémistes islamistes qui empêchent tout simplement la construction de nouvelles institutions, et sèment partout le chaos. Les frontières libyennes sont devenues des passoires par lesquelles toute sorte d'armes sont acheminées vers les pays voisins, et deviennent ainsi une source de menace pour la sécurité et la stabilité de toute la région de l'Afrique du Nord et du Sahel. Le cas de la Syrie est sans doute illustratif de cette dérive sanglante à laquelle les puissances occidentales et certains pays de la région ont largement contribué. Prenant acte de leur échec, les Etats-Unis ont finalement consenti à une solution politique négociée en appelant, avec la Russie, à une conférence internationale sur la Syrie, pour revenir à l'esprit des accords de Genève de juin 2011, qui préconisaient un dialogue sans préalable et une période transition. Mais les forces qui soutiennent la violence, et financent les milices armées en Syrie, ne vont pas s'y soumettre. Elles sont déjà soupçonnées d'avoir commis l'attentat de samedi dernier sur la frontière turco-syrienne, qui a fait 46 morts, qu'elles se sont empressées d'imputer aussitôt aux services secrets syriens. Les observateurs internationaux voient plutôt la main d'Ankara, au motif que le gouvernement Erdogan était le plus engagé dans cette guerre contre la Syrie, et serait, de ce fait, le grand perdant avec le Qatar et la France. Devant cette situation, Washington doit trouver un moyen pour convaincre ses alliés d'adhérer à sa nouvelle démarche. Si la France s'est très vite convertie, en déclarant la Nosrah comme groupe terroriste, pour emboîter le pas aux Américains, et aussi l'Arabie Saoudite qui a arrêté de soutenir les groupes salafistes syriens, il restera le Qatar et la Turquie. Or, rien ne peut se concrétiser sur le terrain si les flux financiers qataris ne cessent pas et si les autorités turques continuent à autoriser le passage des miliciens vers le territoire syrien.