«La violence héritée des années du terrorisme, la dégradation des valeurs sociales et les mutations sociale et sociologique sont, entre autres, des facteurs encourageant la délinquance juvénile en Algérie. Un phénomène qui touche plusieurs pays du monde nécessitant un débat national et international afin de trouver des solutions adéquates», a noté hier le général Menad Nouba, chef d'état-major de la Gendarmerie nationale à l'ouverture du séminaire international de deux jours sur la délinquance juvénile organisé à l'Institut de criminologie et criminalistique (INCC-GN) à Alger. Le colonel Abdelhamid Messaoudi, directeur général de l'Institut a fait état d'une situation inquiétante menaçant la sécurité publique et l'avenir de la société notamment qu'elle touche une foule juvénile représentant 48% de la population. «Malgré les mesures prises par les pouvoirs publics, et à la faveur de plusieurs facteurs, notamment la vulgarisation des technologies de l'information et de la communication et l'absence de l'autorité dans son sens le plus large (parentale, scolaire, religieuse, etc.), les mineurs sont de plus en plus impliqués dans la délinquance, et parfois même dans des affaires criminelles», a affirmé l'officier supérieur. Il indiquera qu'il s'agit d'une problématique constante, puisque les statistiques de la Gendarmerie nationale allant de 2008 à 2012 font ressortir une moyenne annuelle de 3 153 mineurs impliqués dans tous types d'infractions. En effet, la compréhension et la prise en charge de ce fléau qui prend de l'ampleur nécessite l'intervention et la conjugaison des efforts de l'ensemble des composantes de la société. Pour ce qui est des efforts de la gendarmerie dans ce sens, l'intervenant a cité notamment la création depuis mars 2005, des brigades de protection des mineurs, «dont la vocation est de prévenir tout acte de délinquance à l'encontre des mineurs ou commis par eux», a-t-il précisé soulignant que le problème concerne une frange sensible de la population dont la personnalité est en pleine construction (jeunes et adolescents), soit les générations futures. Plus précis, le lieutenant-colonel Zahreddine Deman Dhebih, directeur des études et de la recherche en criminologie à l'INCC, a indiqué que l'analyse quantitative de la variable «âge des mis en cause » met en exergue la sur-représentation de la catégorie des jeunes délinquants âgés entre 16 et 25 ans, et plus précisément la catégorie des 18 – 21 ans. «Cette frange de jeunes gens, en contact avec la loi est dénommée ailleurs, sous un statut légal, «les jeunes adultes» ou «jeunes majeurs». En se basant sur la nature des infractions enregistrées, le conférencier fait remarquer que les comportements délictueux de ces jeunes personnes dénotent essentiellement, des traits de développement biologique et socio-psychologique. Il précise, également, que les infractions les plus représentées statistiquement, en matière de criminalité commise par les jeunes, à ce stade de développement, se résument en des coups et blessures volontaires, des vols et des agressions sexuelles et que la catégorie des jeunes délinquants âgés entre 16 et 25 ans génère un flux important de dossiers au niveau des instances judiciaires, constitue la majeure partie de la population carcérale et serait vraisemblablement, la catégorie la plus touchée par la récidive. 2 241 atteintes aux mineurs en 2012 Représentant 13 millions de la population nationale, les personnes âgées de moins de 18 ans sont de plus en plus comptées parmi les victimes de la criminalité et de la délinquance. En plus des explications sur les origines de la délinquance juvénile, le séminaire de l'INCC s'est basé sur des statistiques de criminalité pour déterminer l'ampleur du problème. Intervenant dans ce sillage, le lieutenant-colonel Karim Bekkouche du commandement de la gendarmerie, a fait état de 2 241 mineurs dont 870 filles victimes de différentes atteintes au cours de l'année 2012. Il s'agit de 785 cas de coups et blessures volontaires, 506 atteintes à la pudeur des deux sexes, 268 homicides involontaires, 221 détournements, 115 viols, 107 cas d'incitation à la débauche, 57 cas de coups et blessures involontaires et 39 homicides volontaires. Le plus grand nombre d'affaires a été constaté à Sétif, Oran et Chlef. Pour ce qui est des mineurs impliqués dans des affaires de criminalité, la Gendarmerie nationale a enregistré, au cours de la même période, 2 778 cas dont une centaine impliquant des filles de moins de 18 ans. Il s'agit de 830 affaires de vol, 674 cas de coups et blessures volontaires, 167 attentats à la pudeur, 128 affaires de dégradation et destruction de biens d'autrui, 118 affaires de consommation et commercialisation de drogue, 26 homicides volontaires, 7 homicides involontaires, 20 cas d'émigration irrégulière et 55 mineurs arrêtés dans le cadre de la lutte contre la contrebande. Le lieutenant-colonel Bekkouche a souligné que 88% des mineurs interpellés étaient âgés entre 14 et 18 ans, 9% de 10 à 14 ans et 3% âgés de moins de 10 ans. L'intervenant a mis en cause certains facteurs socioéconomiques dont la démission parentale, la déperdition scolaire, la pauvreté et la dégradation des valeurs sociales. Abordant la stratégie de la gendarmerie pour la protection des mineurs, il rappelle la création en mars 2005 de trois cellules spécialisées à Alger, Annaba et Oran puis cinq autres en 2011 à Médéa, Blida, Chlef, Constantine et Tiaret. Ces brigades de protection des mineurs prennent en charge toutes les affaires présentant des mineurs qui, pour la plupart, sont en danger moral. Des résultats encourageants ont été obtenus dont l'assistance et l'orientation de 253 mineurs vers des centres spécialisés, la réinsertion de 183 autres dans leurs familles et l'établissement de 42 enquêtes sociales ainsi que l'organisation de centaines de rencontres de sensibilisation contre les fléaux sociaux dont la toxicomanie dans des établissements scolaires, des espaces de jeunesse et autres.