Avec le film d'animation Aya de Yopougon, la réalisatrice Marguerite Abouet, auteure de la BD à succès du même nom, décrit avec un humour piquant une Afrique gaie et moderne dans un quartier populaire d'Abidjan, refusant «tout misérabilisme». «Je ne reconnaissais pas l'Afrique de mon enfance quand j'écoutais les médias, alors j'ai décidé de donner une version plus proche de ce que vivaient les Africains au quotidien, qui ne parle pas de guerre, de famine, même si certes cela existe», expliquait à l'avant-première au festival d'Annecy Marguerite Abouet, qui a vécu jusqu'à 12 ans en Côte d'Ivoire. Le dessin animé, qui reprend les deux premiers tomes de la BD réalisée en 2005 avec le dessinateur Clément Oubrerie, également co-réalisateur du film dont la sortie est prévue le 17 juillet, raconte la vie dans les années 70 d'Aya, une belle Ivoirienne de 19 ans vivant à Yopougon, un quartier populaire d'Abidjan. Sérieuse, la jeune femme ambitionne de devenir médecin. Elle est tout le contraire de ses deux amies, Adjoua et Bintou, qui, à son grand désespoir excellent dans les séries C : Coiffure, Couture et Chasse au mari. Les deux jeunes filles qui vont danser dans les «maquis», sortes de bals populaires, prennent la vie du bon côté jusqu'au jour où Adjoua se retrouve enceinte, mais sans mari. Dans une atmosphère douce, aux couleurs chaudes, relevée de chansons populaires, le film s'attache à décrire la vie des habitants de ce quartier urbain et moderne où quelles que soient les circonstances on garde le sourire en s'appuyant sur la solidarité de ses voisins. «Le thème de la recherche de la paternité ferait en Occident le bonheur des psychiatres, en Afrique on apprend à résoudre les problèmes autrement, on ne s'apitoie pas sur son sort», relève la très souriante Marguerite Abouet. Le film d'une heure trente, au graphisme épuré, présente des personnages dessinés avec des traits très simples, dans une ville foisonnante loin des clichés pessimistes sur l'Afrique. Ici les femmes sont coquettes, s'habillent avec des «robes de Paris» et les hommes, dragueurs invétérés, arborent des jeans et font la queue pour se faire coiffer par le sosie de Michael Jackson. De même, le long métrage s'ouvre sur une publicité à prise de vue réelle montrant des enfants hilares qui vantent les bienfaits d'une bière, alors qu'une seconde fait la promotion d'une banque. Ces pastilles, qui ont permis de donner rapidement le ton du film, selon Clément Oubrerie, sont relayées par le personnage de Sissoko, un riche industriel ayant fait fortune dans la bière, qui habite une grande demeure avec piscine et marbres, entourée de gratte-ciel. De même Aya, figure sage auprès de laquelle ses amies prennent conseil, s'avère une jeune fille indépendante, émancipée, sûre d'elle-même et qui comme la plupart des femmes de ce film prend les décisions pour la famille. Car pour être optimiste, le film n'est pas tendre avec ses personnages. D'un ton direct où «chacun en prend pour son grade», la réalisatrice décrit avec un humour féroce les Africains. Les femmes sont vénales et prêtes à mentir pour trouver une issue favorable. Quant aux hommes, lâches, ils collectionnent les maîtresses et sont peu présents au quotidien.