La rentrée littéraire 2013 promet d'être plutôt sobre, avec l'absence des grands noms qui dominent la scène française, d'une part, et une production resserrée, d'autre part, comparée à la tendance générale de la décennie 2000. Du côté des œuvres étrangères apparaît, pour le bonheur du public, une nouvelle génération d'auteurs plus talentueux les uns que les autres. De belles lectures en perspective ! Cette année, on n'attend ni Houellebecq, ni Beigbeder, ni Angot, ni même Le Clézio, mais beaucoup d'auteurs qui en sont à leurs premiers ou deuxièmes romans, encadrés par quelques têtes d'affiche et des valeurs sûres: Amélie Nothomb, Jean d'Ormesson, Sylvie Germain, Marie Darrieusecq, Jean Hatzfeld, pour ne citer que ceux-là. Selon les chiffres avancés par Livre hebdo, le magazine de référence de l'édition française, 555 romans, français et étrangers confondus, sont programmés entre août et octobre 2013. Nous sommes très loin du pic de 727 titres de 2007 et en deçà des 646 titres affichés de la rentrée 2012. Ce recul touche autant la production française (357 cette année, contre 426 l'année dernière) que les romans étrangers (198 contre 220). En hausse toutefois le nombre de premiers romans, avec 86 nouveaux titres annoncés cette année contre 74, et 69 titres en 2011 et 2012 respectivement. Pour les journalistes de Livre hebdo, cet intérêt renouvelé pour les premiers romans est le signe de «la capacité renouvelée des éditeurs à prendre des risques». Domaine français : thèmes et tendances L'autofiction, les drames familiaux, la ou les guerres (Bosnie, Rwanda, Afghanistan) constituent depuis quelques années les principales ancres thématiques des romans français. Le cru 2013 ne déroge pas à la règle, tout en affichant son intérêt pour de nouveaux pâturages afin de renouveler l'inspiration. Ils sont ainsi nombreux à chercher dans la biographie des artistes et des écrivains emblématiques à travers les âges des matériaux susceptibles d'incarner leurs imaginations et leurs sensibilités. Leurs héros ont pour nom Hugo, Rimbaud, Céline, Prokofiev, Django Reinhardt ou... Camus comme dans Le dernier été d'un jeune homme (Gallimard), le nouveau roman de Salim Bachi. Mêlant habilement fiction et éléments biographiques, sa propre sensibilité d'exilé et les hantises du grand auteur de L'Etranger et des Justes, Bachi produit une œuvre poignante et peu commune, qu'on peut lire aussi comme un récit de filiation de la part de ce jeune romancier algérien exilé, en quête de sa patrie tant littéraire que géographique. La lente et progressive inscription des francophones dans la production française constitue sans doute l'autre tendance majeure de la création littéraire contemporaine. Les Algériens, les Haïtiens, les Libanais, et autres Camerounais font aujourd'hui partie intégrante d'une francité qui a su repousser ses murs pour mieux incorporer les différentes inflexions identitaires et culturelles s'exprimant dans la langue de Voltaire. Opération tout bénéfice pour les lettres françaises, comme l'illustre si bien le programme de cette rentrée littéraire où les thématiques de l'«ensauvagement » des banlieues et la tentation d'extrémisme (Pierre Mérot, Laurent Obertone) cohabitent avec la dénonciation de la traite des Noirs (Léonora Miano), la parabole du désespoir postcolonial (Lyonel Trouillot) ou les convulsions d'un Moyen-Orient livré aux milices et au chaos (Charif Majdalani). La littérature française est en passe de devenir une littérature réellement mondiale. Romans étrangers : un lieu de retrouvailles Riche en auteurs reconnus, le domaine étranger sera cette année plus un lieu de retrouvailles que de découvertes. Retrouvailles avec Coetzee, Louise Erdrich, Richard Ford, mais aussi avec James Baldwin, Joyce Carol Oates, Richard Powers, Colum McCann, Alan Holinghurst, qui sont quelques-uns des grands noms attendus avec impatience par les lecteurs francophones. Le trio de tête fait le buzz avec des romans qui ont déjà fait l'objet d'une réception très élogieuse dans leur pays. Récipiendaire du National Book Award et désigné par la presse américaine comme l'un des dix meilleurs livres de l'année 2012, Dans le silence du vent (Albin Michel) de l'Américaine Louise Erdrich qui raconte un récit implacable de vengeance dans une réserve indienne, est particulièrement attendu. Mascotte des éditions de l'Olivier, Richard Ford, un autre Américain nobélisable, a su séduire le lectorat français dès son premier ouvrage traduit en France en 1991. Son nouveau roman, Canada, (L'Olivier) témoigne du talent narratif de ce grand conteur des drames de l'Amérique éternelle. Le Sud-Africain Coetzee, prix Nobel de littérature et auteur d'une vingtaine d'ouvrages, revient avec son nouveau roman L'Enfance de Jésus (Seuil) qui frappe par sa narration d'une incomparable maîtrise de sa matière. Partant des mythes fondateurs et structurants, Coetzee propose une critique cinglante de notre modernité guettée par la futilité et la décomposition. Ce qui fait la véritable richesse de cette rentrée étrangère, c'est moins ses grands noms que les noms peu célèbres internationalement, mais qui n'en sont pas moins captivants pour autant. Les Coetzee, les Erdrich et les Ford sont les arbres qui cachent la forêt. Une forêt peuplée notamment de Sud-Africains de la nouvelle génération (Ivan Vladislavic et Troy Backlaws), d'un très grand Coréen (Hwang Sok Yong), d'un Indien complètement déjanté (Jeet Thayil) et surtout d'une foultitude de Turcs talentueux, jeunes et moins jeunes, réunis par les éditions Galaade dans une anthologie répondant au beau titre de : Sur les rives du soleil. Sur les rives du soleil est une anthologie «subjective» que nous propose Emmanuelle Collas, directrice de Galaade, une anthologie qui se veut «une invitation au lecteur à se laisser porter, dans l'absolue diversité, en un tourbillon de rencontres», sur les voies de l'imaginaire, là où «nos chansons tirent tantôt vers le bleu/tantôt vers le noir d'encre, sur les rives du soleil». S'il y a un livre de cette rentrée littéraire qu'il ne faut pas rater, c'est sans doute celui-là !