La visite de travail effectuée mercredi dernier à Annaba par le ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, n'a pas été à la mesure des attentes de la population de la wilaya. En évitant de prendre une quelconque mesure pour remettre sur les rails la Société de l'eau et assainissement de Tarf et Annaba (SEATA) qu'il a lui-même qualifiée de «déstructurée», le ministre a confirmé que les enjeux sont à chercher ailleurs. En tout cas pas dans les détournements de fonds, dans la situation des cadres ayant dépassé largement la soixantaine et encore en poste malgré leur incompétence notoire, les voitures de luxe acquises pour le prestige de quelques cadres dirigeants aujourd'hui limogés ou à la retraite, ou tout simplement dans l'acquisition d'une unité de dessalement dont le site d'implantation au large des côtes de Annaba ou Tarf n'a toujours pas été identifié. En fait, comme ses homologues des autres départements qui l'avaient précédé pour des visites similaires, Hocine Necib s'est inscrit dans la démagogie. Cela était perceptible dans les propos très nuancés qu'il a tenus tout au long des étapes qu'il a entreprises à El-Bouni, Berrahal et Annaba chef-lieu. La coupe sera totalement pleine lorsqu'abordant le dossier des scandales de la SEATA, il dira «d'importantes décisions sont actuellement à l'étude. Elles seront appliquées avant la fin de l'année». Du jamais vu ou entendu en ce sens que logiquement l'on étudie avant de décider et non l'inverse. Le lapsus est révélateur de l'anarchie qui sévit au plus haut sommet de l'Etat. En fait, tout au long de sa visite de travail, Hocine Necib a fait du sur-place. Il a pataugé jusqu'à satiété dans des projets datant de plusieurs années. Les uns ont été achevés, d'autres enregistrent des retards dans la réalisation. Il y a ceux qui connaissent un semblant de démarrage. Ce qui explique les réponses très succinctes du ministre à chaque fois qu'il est interpellé par les représentants de la presse tant sur le terrain que lors de la conférence de presse. «Il faut laisser la justice suivre son cours. D'importantes décisions seront étudiées avant la fin de l'année», se limitait-il à répéter. Sous des cieux, le minimum aurait été la désignation d'un directeur général en titre avec pour mission la mise en route de mesures conservatoires pour sauvegarder les intérêts de l'entreprise. Une procédure tout ce qu'il y a de normal applicable à l'endroit des cadres dirigeants frappés de suspicion ou incompétents. Or, à l'exception de quelques rares cadres en prise directe avec les détournements, les incompétents sont toujours à leur poste. Il s'agit de ceux qui, sans aucun diplôme ou formation, ont accédé à des postes de responsabilité grâce à leurs accointances et totale soumission à des pratiques de gestion inopportunes. Ce qui limite les prérogatives d'un DG par intérim contraint et forcé de faire le dos rond face au nombre d'incompétents qui l'entourent. Dans cette affaire SEATA, les faits de détournements sont avérés. Le ministre les a même dénoncés lorsqu'il a affirmé : «Certes, il y a des détournements, mais il ne faut pas accuser tous les cadres.» Avec un DG en titre, ces détournements auraient pu s'étaler sur la réalisation des piquages illicites, du matériel et des équipements d'intervention disparus à l'image des 1 300 compteurs propriété de l'unité de Annaba. Le dossier SEATA est actuellement sous la loupe des enquêteurs de la brigade économique et financière de la sûreté de wilaya. Ces derniers sont déjà arrivés à déceler dans la procédure d'encaissement des redevances abonnés, des subterfuges variés et des documents raturés : «De belles irrégularités sont affichées», révèle sous le sceau de l'anonymat un cadre du ministère. Pour l'heure, on en est à l'évaluation du préjudice financier. Une chose est sûre, ce préjudice ne s'arrêtera pas aux 230 millions DA détournés des 2 caisses de la Ménadia et autres. Les enquêteurs comptent pousser leurs investigations au comité de participation. Celui-ci est annuellement bénéficiaire, au titre de fonds social des travailleurs, de 240 millions/an. En l'absence de bilan annuel à ce jour non établi durant plus d'une décennie, on ne connaît pas la destination prise par ce montant prélevé sur la masse salariale des 2 600 travailleurs de la SEATA. Comme pour les détournements, l'on devra attendre les conclusions de l'enquête judiciaire. Il faut dire que les preuves matérielles contenues dans le dossier judiciaire de la SEATA sont édifiantes. Manœuvres de tout genre, jeux d'écriture douteux, subterfuges... Dans un rapport préliminaire, les auditeurs du MRE révèlent des pratiques surprenantes dans l'exécution des différentes tâches tant au niveau des directions d'unités et commerciales que celle technique. Principal constat de cet audit et de cette enquête toujours en cours, les responsables qui s'étaient succédés à la tête des structures de gestion de la SEATA, avaient «omis» d'établir les bilans de fin d'année ou de prendre en charge en temps opportun, les réserves mentionnées par les auditeurs. D'où le préjudice financier qui a atteint des sommes colossales. Et ce n'est pas fini au regard du préjudice généré par le non-recouvrement des redevances impayées et les piquages illicites à l'origine de la consommation durant des années de millions de m3. Les spécialistes de la brigade économique et financière décortiquent à la loupe toutes les astuces employées pour camoufler le véritable montant du préjudice. Ainsi, pour éviter de verser les encaissements, des agents et des cadres de gestion ont tout bonnement raturé les dates de paiement des redevances pour les imputer rétroactivement à des années antérieures. C'est que les tours de passe-passe ont permis aux auteurs des détournements d'alléger les caisses de leur entreprise de plusieurs milliards. Le train de vie très élevé de certains d'entre eux aurait dû donner à réfléchir au premier responsable de l'entreprise. Le coup le plus étonnant est que grâce à un subtil jeu triangulaire entre encaissements réels, encaissements fictifs et exploitation des comptes sur logiciel, des milliards de DA ont été encaissés au titre de paiement pour se transformer en redevances impayées sur le logiciel. Tous ces faits auraient dû être pris en charge par le MRE pour être étudiés avec pour objectif d'améliorer la gestion. Ce qui n'a pas été le cas à ce jour. C'est pourquoi, d'aucuns ont estimé que les différentes étapes de la visite de travail du ministre ne sont rien d'autres qu'un trompe-l'œil. Il tend à noyer le poisson dans l'eau avec un audit SEATA dont on n'entendra plus parler et une enquête judiciaire qui n'aboutira jamais. On mettra donc sous le signe de la démagogie, les affirmations de Hocine Necib quant au traitement dès 2015 de la totalité des eaux usées par les stations d'épuration, la récupération et la réutilisation des eaux non conventionnelles par les secteurs de l'industrie et de l'agriculture et la détermination des cadres quant à accompagner l'ensemble des nouveaux pôles urbains en termes d'AEP et assainissement.