Quelques jours seulement après la chute des villes de Palmyre et de Ramadi, en Syrie et en Irak, la coalition anti-Daech se réunit à Paris pour s'interroger sur sa stratégie au Moyen-Orient. Les récentes victoires militaires des djihadistes de l'Etat islamique ont une nouvelle fois illustré les limites des actions menées par les alliés depuis l'été dernier. Les bombardements aériens n'ont pas eu l'effet escompté en Syrie et en Irak. Ils ont peu d'effets sur les «camions bombes», précipités contre des objectifs par des kamikazes. Quant à la formation de l'armée irakienne, qui avait été dissoute par les Américains en 2003 après la guerre, elle n'a guère été couronnée de succès, puisque les soldats irakiens ont fui devant les combattants de Daech qui attaquaient Ramadi. À Paris, on estime que «plusieurs choses peuvent alimenter une reprise de la solution politique». «En Syrie, l'affaiblissement de Bachar el-Assad est réel. Les choses bougent. C'est le moment d'essayer de fédérer la coalition et certains groupes d'opposition sur le terrain. Il faut à tout prix éviter que l'écroulement du régime syrien soit suivi d'un nouveau chaos», explique un diplomate. En Irak, la coalition voudrait pouvoir convaincre le gouvernement d'intégrer davantage la minorité sunnite, afin de la couper de Daech. En septembre, la conférence de Paris avait en effet lié le soutien militaire de la coalition à des engagements politiques concrets du nouveau gouvernement irakien dirigé par Haïdar al-Abadi. Difficile politique de consensus Autre question sensible qui sera au menu de la réunion de Paris: le rôle de l'Iran chiite dans la région, alors que les négociations sur le nucléaire ont repris avec la communauté internationale. Certains pays arabes du Golfe considèrent que Téhéran, dont l'influence augmente sur le gouvernement irakien et sur les milices chiites qui combattent l'Etat islamique, ne fait qu'alimenter le conflit au Moyen-Orient. D'autres considèrent que l'aide militaire de l'Iran est indispensable pour vaincre les combattants de Daech. Convaincus, depuis la chute de Palmyre et de Ramadi, de la nécessité de modifier leur stratégie, les 24 participants au sommet de Paris s'interrogent cependant sur le sens à donner à un éventuel changement. Elu pour tourner la page des guerres en Irak et en Afghanistan, Barack Obama reste opposé à l'envoi de troupes au sol. Le caractère hétérogène de la coalition, formée d'une soixantaine de pays aux objectifs et aux agendas très différents, rend difficile une politique de consensus. Une solution pourrait cependant être examinée par les participants: des actions ciblées de forces spéciales en Irak. La situation n'est pas plus claire en Syrie, où la coalition est divisée sur la politique à mener envers le régime de Bachar el-Assad. Faut-il négocier avec Damas? Comment convaincre l'Iran de cesser son soutien au régime? Comment imposer une solution politique et mettre en place un «régime de transition»? Sur quelles forces s'appuyer, alors que les modérés sont devenus largement minoritaires sur le terrain et que «certains acteurs ne peuvent pas devenir des partenaires»? s'interroge un diplomate français. Paris espère que la réunion sera l'occasion d'obtenir une «forte mobilisation internationale». Mais aux Etats-Unis, les Républicains doutent que la Maison-Blanche, qui dirige la coalition, soit prête à changer sa stratégie. «Barack Obama ne va sans doute rien faire, si ce n'est poursuivre cette politique de l'échec. Il considère que son héritage est d'avoir mis fin aux guerres de son prédécesseur et révolutionné le système de santé. Cette Administration n'a pas de stratégie contre l'Etat islamique et je ne vois pas de réponse à ce problème d'ici trois ans», commente un diplomate américain.