Ce n'est sans doute pas pour rien que la Russie est l'héritière de la culture grecque. Du mont Ida à Idlib, il n'y a qu'un pas et quelques millénaires. La pomme de discorde de Poutine s'appelle «pourparlers de paix» et elle a pour résultat de disloquer la rébellion. Depuis le début de l'intervention russe en Syrie, Moscou a compris que, pour éviter l'enlisement, il était nécessaire de saucissonner l'opposition armée. C'est particulièrement vrai de l'Armée de la conquête, fer de lance de la rébellion. Cette fédération comprenant Al Nosra, Ahrar al-Cham et divers groupes «modérés» issus de l'Armée syrienne libre, permettait aux Occidentaux et aux pétromonarchiques d'armer Al Qaïda sans en avoir l'air. Les discussions d'Astana sous l'égide irano-russo-turque enfoncent un coin supplémentaire dans le consortium barbu. Ahrar al-Cham a été invitée tandis que Al Nosra, maintenant appelée Jabhat Fateh al-Cham (JFC) en a été exclue, comme lors des précédentes négociations. Certes, les puristes diront qu'il n'y a pas grande différence entre les salafistes issus des Frères musulmans et les groupies de Ben Laden, mais la fin (réduire la rébellion et mettre un terme à la guerre) justifie les moyens. De fait, les centaures se mangent maintenant entre eux dans l'Olympe djihadiste d'Idlib, la dernière grande enclave rebelle. Nous évoquions récemment le pourrissement de la situation. Nous sommes désormais au bord de la guerre civile inter-barbue. Les combats ont lieu dans toute la province : JFC (Al Qaïda) attaque les groupes «traîtres» inclus dans les pourparlers d'Astana, Ahrar al-Cham en tête (délicieux cadeau empoisonné du Kremlin...) Les qaédistes pillent les dépôts d'armes, enlèvent les QG, allant jusqu'à utiliser l'arme de l'attentat-suicide qu'ils réservaient jusque-là aux ennemis de guerre. En 24 heures, Jaish al-Mujahidin, un groupe salafiste rebelle de 8 000 combattants a été liquéfié, une partie de ses combattants rejoignant JFC, les autres s'égayant dans la nature... Chose intéressante, Al Zinki, le mouvement «modéré» armé par Washington et qui avait décapité en direct un gosse de 12 ans, prend parti pour Al Qaïda. On comprend que la volaille médiatique préfère regarder ailleurs... Ahrar al-Cham semble quelque peu dépassé et menace Jabhat Fateh al-Cham d'une guerre totale. Si les deux principales composantes de la rébellion s'affrontent ouvertement, c'en est fini de l'Idlibistan. Nul doute que la consigne a été passée à Damas et à Moscou de regarder le fruit pourrir sans intervenir. La pomme d'Eris fait son œuvre...