Après « Le silence des cendres » et « Le rêve derrière soi », Kaddour M'Hamsadji vient clore, avec « La quatrième épouse » une trilogie consacrée à « quelques aspects de la vie quotidienne de la société algérienne pendant la guerre d'Algérie (1954-1962). Et pas seulement...la colonisation a forcément eu son juste contraste : la décolonisation ». «La quatrième épouse » est un roman passionnant. Mais au-delà de l'histoire que nous relate l'auteur, celle de Hadj Bâkir qui a eu quatre épouses, il faudra faire une autre lecture en filigrane, pour y découvrir l'Histoire de l'Algérie, à travers quelques-unes de ses étapes charnières. L'histoire est donc celle de Hadj Bâkir. Ce septuagénaire habitant Birkhadem est sur le point de se marier pour la quatrième fois. Cette quatrième épouse, il ne l'a pas vraiment voulue, ce sont plutôt les circonstances familiales qui la lui ont imposée. Père de quatre filles, il n'a, en effet, pas eu d'héritier mâle et maintenant qu'il a pris de l'âge, il craint de partir et de laisser tous ses biens entre les mains cupides de son frère aîné, Slimane, avec lequel il s'est brouillé il y a plus de 10 ans, justement, pour une question d'héritage. Hadj Bâkir s'apprête donc à consommer son union avec sa jeune femme et peu importe ce que dit ou pense son entourage, c'est elle qui lui donnera un héritier...ou du moins, il l'espère. Mais avant, il ne peut s'empêcher de faire défiler les vieux souvenirs, remontant jusqu'à sa première épouse. L'auteur déroule l'histoire de l'Algérie C'est à l'époque où il était élève-maître à l'Ecole normale d'instituteurs d'Alger-Bouzareah que Ghozlani Bâkir tombe amoureux de Christine, également étudiante à l'Ecole des instituteurs de Ben-Aknoun mais surtout petite- fille de Georges Withman, gros propriétaire terrien et homme d'une extrême violence à l'égard des Algériens. Bien que tout oppose les deux jeunes gens (statut social, religion, traditions...), ils n'hésitent pas à se marier en cachette, avec la seule complicité de la famille et amis de Bâkir. Le reste du récit de Kaddour M'Hamsadji est un retour sur les années d'engagement de ce jeune instituteur au sein des rangs de l'Armée de libération nationale, sa mobilisation dans la région de Sour El Ghozlane, son combat courageux, ses solides amitiés avec d'autres vaillants moudjahidine, sa rencontre au maquis avec celle qui deviendra sa deuxième épouse, Thafsouth, native d'Azazga, en Kabylie, devenue médecin de l'ALN et qui servira avec beaucoup d'abnégation la Révolution nationale, puis avec Dhrifa, « femme au visage angélique et à la tendresse infinie », qu'il épousera également en troisièmes noces, après l'indépendance. Cette quatrième épouse que Hadj Bâkir prend au crépuscule de sa vie, demeure porteuse de tous ses espoirs et attentes. Tout comme la génération d'aujourd'hui. D'ailleurs, c'est un peu la symbolique de ces épouses successives, qui -faut-il le noter-, représentent l'histoire de l'Algérie depuis la nuit coloniale, jusqu'à aujourd'hui. Quelques mots sur l'auteur M'Hamsadji est né le 8 août 1933. Effectuant ses études primaires dans sa ville natale, il la quitte très jeune pour aller à Boufarik où il poursuit sa scolarité, ceci, avant de déposer ses valises à Alger, la ville de ses aïeux. Devenu inspecteur de l'éducation nationale, il occupe ensuite le poste de sous-directeur de l'audio-visuel avant d'être désigné directeur du Centre national d'enseignement généralisé (Cneg). Nommé, par la suite, conseiller au cabinet du ministère de l'Education nationale, dans le domaine de la communication éducative, il fonde la revue L'Ecole demain. Kaddour M'Hamsadji est, par ailleurs, membre fondateur de la première Union des écrivains algériens qui a vu le jour le 28 octobre 1963. Cette instance a, à sa création, Mouloud Mammeri comme président, Jean Sénac pour secrétaire général quant à Kaddour M'Hamsadji, il occupe les fonctions de secrétaire général adjoint, Mourad Bourboune et Ahmed Sefta en sont les assesseurs. Tout au long de son parcours très riche, M'Hamsadji côtoit les plus grands écrivains et intellectuels de son époque, avec lesquels il se lie d'amitié. On peut citer Moufdi Zakaria, Tewfik El Madani, Kateb Yacine, Malek Haddad, Laâdi Flici, Ahmed Azzegagh, Cheikh Mohamed Laïd Al Khalifa...Se lançant dans l'écriture, il publie « La dévoilée », son premier roman en 1959. Depuis, il pratique tous les genres littéraires du roman, à la poésie, en passant par le théâtre, le conte, la nouvelle ou l'essai. Il marque également le paysage audiovisuel avec des œuvres de grande référence. Parmi ses œuvres marquantes, notons « Le silence des cendres » qui sera adapté au cinéma par A. Sahraoui, «Le rêve derrière soi », « Le jeu de la bouqala », « La jeunesse de l'Emir Abd El Kader », « Le petit café de mon père »... M'Hamsadji est traduit dans plusieurs langues. Kaddour M'Hamsadji, «La quatrième épouse», éd. Casbah, Alger 2016